Kiev, 6 juillet – « La mer Noire est la tête de pont à partir de laquelle la Russie cherche à étendre sa sphère d’influence bien au-delà de ses frontières. » Telle est la constatation qu’Alexander Vershbow, éminent diplomate états-unien et ancien secrétaire général délégué de l’OTAN, a faite devant des parlementaires des pays alliés et partenaires réunis à Kiev pour une réunion de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.
M. Vershbow a ajouté qu’au vu des répercussions des menées déstabilisatrices de Moscou sur le plan politique et économique comme sur celui des droits de humains les membres de l’Alliance étaient parties prenantes de la sécurité dans la région de la mer Noire. Il a estimé que, face à la considérable montée en puissance militaire de la Russie, l’OTAN devait réfléchir à une accentuation de la présence de ses forces armées – et, singulièrement, de ses forces navales – dans cette partie du monde.
Les pays de l’OTAN ont été invités par M. Vershbow et la vice-Première ministre d’Ukraine chargée de l’intégration européenne et euro-atlantique, Ivanna Klimpouch-Tsintsadzé, à intensifier leur aide à l’Ukraine en fournissant à cette dernière une plus large gamme d’armes défensives pour mieux protéger les troupes déployées sur la ligne de front ; ils ont en outre été instamment priés de faire plus chèrement payer aux Russes les agressions que ceux-ci commettent quotidiennement en Ukraine orientale tout en persistant à les nier.
Le président de la Verkhovna Rada, Andriy Paroubiy, a fait observer que les parlementaires ukrainiens avaient adopté une loi faisant de l’adhésion à l’OTAN un objectif stratégique du pays. Il a indiqué que, ces dernières années, le soutien de la population à l’adhésion avait considérablement augmenté. Selon les sondages, une nette majorité de l’électorat se prononce désormais pour l’entrée dans l’Organisation. Le président de l’AP‑OTAN, Paolo Alli, a réaffirmé la détermination de l’Assemblée à contribuer à la réalisation des aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine.
Divers intervenants ont fait le point, à l’attention des parlementaires des pays membres ou partenaires de l’OTAN, sur la situation dans les régions occupées de l’Ukraine. Ils ont souligné que le Kremlin continuait à orchestrer le conflit en Ukraine orientale, où chaque jour apporte son lot de victimes et de violations du cessez-le-feu. La Russie n’a pas honoré les obligations qui lui incombent en tant que signataire des Accords de Minsk 2, dont la cessation des hostilités, ainsi que le retrait des armes lourdes et des milliers de soldats déployés dans le Donbas. Quelques responsables occidentaux ont pressé l’Ukraine de faire montre, elle aussi, de plus de diligence dans le respect des engagements auxquels elle a souscrit en signant les mêmes accords. Cependant, les interlocuteurs ukrainiens de l’AP-OTAN ont souligné qu’à ce stade l’octroi d’un statut spécial au Donbas servirait à Vladimir Poutine de point d’appui pour poursuivre la déstabilisation de l’Ukraine.
Les participants à la réunion ont appris qu’en Crimée la situation de la population locale s’était détériorée depuis l’annexion de la péninsule par la Russie, il y a de cela plus de trois ans. Notamment, les minorités tatare et ukrainienne sont les cibles de graves actes d’intimidation et de persécution ; de nombreux enlèvements ont été signalés. La liberté d’expression fait l’objet de restrictions et les organisations culturelles ont été interdites. Les dirigeants politiques occidentaux ont été invités à ne pas tomber dans « le piège tendu par le Kremlin », à savoir la reconnaissance de l’annexion de la Crimée en échange d’un retrait du Donbas.
Les participants ont parlé du programme de réformes ukrainien. Ivan Miklos, conseiller économique en chef auprès du Premier ministre d’Ukraine et ancien ministre des Finances de Slovaquie, et Hugues Mingarelli, qui dirige la délégation de l’Union européenne en Ukraine, ont rappelé que ce pays avait accompli plus de progrès sur le front des réformes durant les trois années écoulées que depuis la déclaration de l’indépendance. La corruption reste un problème majeur, mais les domaines où elle sévit ont été circonscrits. Pour autant, l’affrontement entre les réformateurs et ceux qui tentent de préserver leurs privilèges est loin d’être terminé. Le Programme pour le développement de l’intégrité conçu par l’OTAN est un outil précieux pour l’éradication de la corruption dans le secteur de la sécurité et de la défense.
Les participants ont aussi parlé d’autres questions régionales, dont la situation en Répulique de Moldova. Ruslan Piontkivsky, économiste principal de la Banque mondiale pour la République de Moldova, a indiqué que ce pays avait surmonté le nadir économique de 2015 et avait retrouvé le chemin de la croissance. Une spécialiste de Chatham House, Cristina Gherasimov, a toutefois estimé que la situation politique moldove se caractérisait par une grande incertitude et qu’il se pouvait que les autorités de Chișinău renoncent à leur stratégie pro-occidentale.
Le 95e séminaire Rose-Roth de l’AP-OTAN, qui avait pour thème « Pour la sécurité et la stabilité de l’Ukraine et de la région de la mer Noire », a eu lieu à Kiev du 3 au 6 juillet. À cette occasion, les participants ont célébré le vingtième anniversaire de la Charte OTAN-Ukraine. Plus de 170 personnes ont pris part au séminaire, dont 80 parlementaires de 29 membres ou partenaires de l’OTAN.
Ce séminaire était organisé conjointement par l’AP-OTAN et la Verkhovna Rada, avec le concours du gouvernement suisse.
Il s’agissait du sixième séminaire Rose-Roth à se tenir en Ukraine depuis 1991, année du lancement du programme. Le premier avait eu lieu en 1993.