De la Russie à l’Afghanistan,  la corruption comme une grave menace pour la sécurité de l’Alliance

29 mai 2022

La mainmise du clan oligarchique de Vladimir Poutine sur l’État russe comme la désagrégation d’institutions afghanes grangrenées par les malversations montrent que l’impuissance à venir à bout de la corruption pose de graves problèmes pour la sécurité de l’Alliance. Telle est la conclusion d’un avant-projet de rapport sans concession de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

« En Russie, la corruption est encore l’un des principaux instruments de travail des pouvoirs publics », a déclaré Harriett Baldwin (Royaume-Uni) devant l’Assemblée ce samedi. « Nous restons bien trop passifs face à un problème auquel nous devrions répondre collectivement par l’adoption de politiques rigoureuses en la matière. »

Mme Baldwin a rédigé un avant-projet de rapport intitulé Lutte contre la corruption : les enjeux stratégiques et économiques et examiné à la session de printemps de l’Assemblée, qui se tient cette année dans la capitale de la Lituanie. 

Ce document invite instamment les gouvernements des pays membres de l’OTAN à adopter « un ensemble de sanctions étanches, exhaustives et puissantes contre la kleptocratie russe », dont « le bannissement de la Russie du système de messagerie financière SWIFT » et « un effort de mobilisation massif (...) pour renforcer la sécurité énergétique des Alliés vu qu’il n’est plus possible de continuer à entretenir des relations commerciales normales avec la Russie ».

Il convient de renforcer la défense de la démocratie occidentale contre les manœuvres insidieuses de la Russie et d’autres acteurs hostiles sur le terrain de la corruption par la création au siège de l’OTAN d’un centre pour la résilience démocratique, une mesure préconisée de longue date par l’Assemblée.

L’avant-projet de rapport de Mme Baldwin fait partie d’une série de rapports sur lesquels l’Assemblée s’est penchée au deuxième jour d’une session qui a pour toile de fond la résistance de l’Ukraine à la guerre brutale et illégale déclenchée par la Russie.

Michał Szczerba (Pologne) a mis en garde les participants contre le risque d’une exacerbation de la polarisation dans les Balkans occidentaux à la suite de l’invasion russe et a exhorté la communauté euro-atlantique à une réponse plus énergique pour intensifier l’intégration de la région et écarter la menace de l’instabilité.
 
« L’OTAN devrait envisager de renforcer sa présence militaire dans les Balkans occidentaux afin de décourager l’agression et la violence alors que les tensions internationales sont extrêmes », écrit M. Szczerba dans son avant-projet de rapport, intitulé Balkans occidentaux : la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et les défis persistants dans la région. « Il faut envoyer un signal fort pour indiquer que la stabilité de la région reste un intérêt majeur pour la communauté euro-atlantique (...) et qu’on ne laissera pas la Russie ni ses agents déstabiliser cette partie importante de l’Europe. »

L’attaque de l’Ukraine par la Russie montre combien les ressources de l’OTAN et le nouveau concept stratégique de l’Alliance doivent être concentrés sur la défense et la dissuasion en Europe, mais un avant-projet de rapport de Sonia Krimi (France) sur L’OTAN et la région indo-pacifique indique qu’à longue échéance le pivot stratégique mondial en direction de la région indo-pacifique pourrait demeurer le mouvement tectonique le plus important du XXIe siècle. XXIe siècle auquel devra s’adapter l’OTAN. 

Tout en observant que la stratégie de l’OTAN dans la région restera essentiellement axée sur l’amélioration des partenariats avec des pays animés des mêmes motivations que les Alliés, comme le Japon ou l’Australie, Mme Krimi estime que les relations avec la Chine revêtiront une grande importance.

« Les Alliés doivent réduire leur dépendance stratégique par rapport à la Chine », peut-on lire dans l’avant-projet. Par ailleurs, ils « doivent afficher une solidarité inébranlable à l’égard de ceux d’entre eux qui, comme la Lituanie, font l’objet d’actes d’intimidation et de sanctions sévères de la part de la Chine ». Parallèlement, ils doivent entretenir le dialogue avec Pékin autour de questions telles que la maîtrise des armements, la dénucléarisation de la péninsule coréenne, l’Afghanistan, le changement climatique et le maintien de la paix.

« Des décennies de délocalisation de la production et de dépendance excessive à l’égard des concurrents stratégiques pour se procurer des biens essentiels ont fondamentalement privé l’Amérique du Nord et l’Europe d’une certaine autorité économique et affaibli leur capacité à faire face à une crise mondiale », constate à son tour Faik Öztrak (Turquie) dans un avant-projet de rapport intitulé Défis commerciaux stratégiques : sécuriser les industries et les chaînes d’approvisionnement essentielles. « Des mesures correctives doivent désormais être prises. » 

Dans un avant-projet de rapport sur L’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets : le rôle de la technologie, Sven Clement (Luxembourg) lance un avertissement : « Le changement climatique constitue (...) un défi réel et croissant pour la sécurité internationale. » Il demande aux pays membres de l’OTAN d’intensifier leurs efforts d’adaptation à ce phénomène. 

M. Clement ajoute : « Il conviendrait à cet égard d’intégrer la question climatique dans les documents stratégiques futurs, d’adapter les capacités militaires aux défis du changement climatique, d’élaborer un plan de transition énergétique robuste qui n’affaiblisse pas les capacités de défense collective de l’OTAN, et de prévoir des financements pour intégrer dans les opérations militaires des technologies économes en énergie et faisant appel aux énergies renouvelables. » 

Selon les avant-projets de rapport de Njall Trausti Fridbertsson (Islande) et Nusrat Ghani (Royaume-Uni), l’OTAN doit investir plus pour conserver sa supériorité technologique.

« L’important, aujourd’hui plus que jamais, est que les membres et les partenaires de l’OTAN utilisent la technologie pour devancer leurs adversaires en redéfinissant le concept de la guerre tout en renforçant l’interopérabilité », estime M. Fridbertsson dans son avant-projet de rapport intitulé Les guerres de demain.

Pour sa part, dans son avant-projet de rapport intitulé Renforcer la résilience de l’Alliance en matière de sciences et de technologies, Mme Ghani indique : « Pour assurer l’avenir de l’Alliance, il est essentiel de maintenir et de développer davantage l’avantage technologique de l’OTAN. Assurer la capacité de résilience des secteurs S&T de l’OTAN est un élément clé de notre capacité de dissuasion et de défense. »

Analysant les enseignements tirés de la campagne que l’OTAN a menée en Afghanistan pendant 20 ans, Ahmet Yildiz (Turquie) a déclaré que les Alliés devraient à l’avenir procéder à une évaluation continue de leurs opérations de gestion de crises pour veiller à l’alignement de celles-ci sur leurs propres intérêts stratégiques.

« Les parlementaires de l’OTAN doivent réfléchir au moyen d’instituer, dans le contexte des relations entre secteur civil et secteur militaire, un contrôle parlementaire plus strict des missions et opérations de l’Organisation », souligne M. Yildiz dans un avant-projet de rapport sur La situation en Afghanistan : causes, conséquences et enseignements. « Une telle démarche favoriserait une focalisation démocratique accrue sur ces relations pendant les opérations. »