Dans le sillage du sommet de l'OTAN de 2021 à Bruxelles, l'AP-OTAN s’est entretenue avec des ministres pleinement impliqués à celui-ci pour leur permettre de partager le bilan qu’ils en ont tiré. En tant qu'anciens membres de l'AP OTAN, ils s’expriment également sur la question de savoir comment les parlementaires, et l'AP OTAN dans son ensemble, pourraient soutenir au mieux la mise en œuvre de cet ambitieux futur programme pour l'OTAN.
Quatre questions avec Matej Tonin, ministre de la défense de la République de Slovénie et ancien membre de l'AP-OTAN :
Matej Tonin a été un membre actif de l'AP-OTAN de 2012 à 2020. Il a été rapporteur et président de la sous-commission de l'Assemblée sur les tendances technologiques et la sécurité et chef adjoint de la délégation slovène à l'AP-OTAN.
1- Les attentes étaient élevées pour ce sommet, en particulier à la lumière des changements majeurs en cours dans le contexte de sécurité international. Comment jugez-vous le résultat global ?
Compte tenu des défis de sécurité auxquels les Alliés sont confrontés, cette réunion des dirigeants de l'OTAN était très importante et ses résultats constituent une étape majeure pour l'avenir de l’Alliance. Je considère que les décisions prises constituent un pas dans la bonne direction pour notre adaptation à la nouvelle réalité géopolitique et de sécurité. L'Alliance s'adapte et se transforme en permanence en fonction de l'évolution des défis de sécurité. Nous avons confirmé une fois de plus que notre flexibilité en fonction de l'évolution de ce contexte est notre force. L'OTAN a une perspective mondiale et est prête à s'engager avec des partenaires partageant les mêmes idées partout dans le monde. Sur cette base, nous serons en mesure de renforcer la sécurité dans la région euro-atlantique, conformément à nos valeurs et principes communs.
Avec toutes les décisions prises, les dirigeants ont envoyé un message fort d'unité transatlantique et ont réaffirmé le rôle de l'OTAN en tant que plateforme clé pour les consultations transatlantiques sur la sécurité. Le sommet a encore renforcé les fondements de l'OTAN pour faire respecter l'ordre international fondé sur des règles et contrer les rivaux stratégiques malveillants qui portent atteinte à nos principes démocratiques et à notre sécurité.
Toutefois, les ambitions accrues à l'ordre du jour de l'Alliance exigeront que nous fassions davantage et que nous investissions davantage ensemble. Cela doit s'accompagner d'un message stratégique approprié.
2- Quelles étaient les principales priorités de la Slovénie, et comment évaluez-vous les décisions prises à cet égard ?
Permettez-moi de me concentrer sur l'importance de combiner les instruments de pouvoir militaires et non militaires, sur le renforcement des partenariats et, dans ce cadre, sur la coopération OTAN-UE.
Je considère que les décisions prises concernant notre ajustement militaire et politique sont évolutives. Leur mise en œuvre, bien que difficile au niveau national en termes de fonds et de personnel, contribuera à maintenir la supériorité militaire de l'OTAN. La puissance militaire de l'OTAN est au cœur de l'Alliance, mais sa puissance politique n'est pas moins importante en raison de la nature du contexte de sécurité moderne. C'est pourquoi nous nous félicitons de la décision de renforcer la dimension politique de l'Alliance et ses instruments de pouvoir non militaires, notamment en développant les partenariats avec les pays et les organisations.
La nécessité de renforcer encore le partenariat avec l'UE est incontestable. La coopération OTAN-UE est essentielle pour relever les défis de sécurité actuels de manière efficace. Nous nous félicitons du large soutien des Alliés en faveur d'une mission ambitieuse, prévue dans le cadre d’OTAN 2030, visant à renforcer la coopération OTAN-UE. Le soft power de l'UE complète naturellement le hard power de l'OTAN, et nous devons continuer à étudier et à trouver des synergies entre les outils propres à chaque organisation. Nous devons exploiter pleinement le potentiel de cette relation en approfondissant la coopération sur des questions de sécurité communes telles que la mobilité militaire, la résilience, la cyberdéfense, le changement climatique et d'autres préoccupations en constante évolution, comme la Russie et la Chine. La sécurité et la prospérité de nos sociétés en dépendent. L'importance de ce partenariat se reflète dans les priorités de la Slovénie pour la présidence du Conseil de l'UE dans le domaine de la défense.
La réaffirmation de la politique de la porte ouverte lors du sommet est également très importante pour nous, car nous considérons ses résultats comme une réussite, notamment dans le cas des Balkans occidentaux.
3- En tant que rapporteur de la commission des sciences et des technologies de l'AP-OTAN, vous avez mis l'accent sur les technologies émergentes et perturbatrices, les opportunités et les défis qu’elles représentent. Le sommet a pris des mesures importantes pour préserver l'avance technologique et l'interopérabilité de l'OTAN. Êtes-vous satisfait de ces décisions, et comment voyez-vous la Slovénie s'intégrer dans ces nouveaux efforts ?
Avec l'accélération constante du développement des technologies, la domination technologique est devenue un élément clé de la supériorité de l'OTAN et de son adaptation permanente à l'évolution du contexte de sécurité. Les nouvelles solutions technologiques nous aideront en ce sens, mais, comme je l'ai également souligné dans mes rapports, elles peuvent également entraîner de nombreux défis. Nous devons être conscients des scénarios futurs et nous y préparer en comprenant les défis liés à la recherche, au développement et à l'adaptation des technologies émergentes et perturbatrices (EDT). Ce n'est que de cette manière que nous pourrons réduire les vulnérabilités potentielles et assurer la résilience et la fonctionnalité adéquate des EDT conformément à nos besoins et à nos objectifs.
Dans le contexte de sécurité actuel, où les technologies de l'information deviennent plus accessibles, de nombreux acteurs, y compris ceux qui ne partagent pas nos valeurs et nos intérêts, remettent en cause l'avantage technologique de l'OTAN. Je pense que les décisions du sommet contribueront au développement et à l'utilisation des technologies modernes dans le respect de nos valeurs et de nos normes éthiques. Les efforts de l'Alliance dans ce domaine permettront également de promouvoir des normes de développement éthique dans le monde entier et de réduire ainsi les risques d'utilisation malveillante d'EDT.
La Slovénie se félicite des décisions visant à créer un accélérateur d'innovation dans la défense pour l'Atlantique Nord, grâce auquel les Alliés auront un impact direct sur le développement des technologies futures à tous les stades de développement. Dans ces initiatives de l'Alliance, nous voyons des opportunités en particulier pour nos petites et moyennes entreprises, qui offrent des solutions technologiques spécifiques. L'union des forces avec le secteur privé et les instituts de recherche contribuera également à renforcer la coopération civilo-militaire.
4- Compte tenu de votre expérience en tant que membre de l'AP-OTAN, comment les parlementaires et l'AP-OTAN peuvent-ils soutenir au mieux la mise en œuvre de l'ambitieux programme adopté lors du sommet ?
L'AP-OTAN est un forum important pour des discussions approfondies et complètes sur les questions de sécurité euro-atlantique. Ce n'est qu'en abordant ouvertement les grandes questions de sécurité et l'évolution des menaces, dans la région euro-atlantique comme dans son voisinage, que nous pourrons mieux faire connaître le contexte de sécurité moderne. Cela renforce la compréhension et le soutien du public à l'égard des politiques et des mesures que nous devons prendre pour relever les défis de sécurité complexes. De ce point de vue, l'AP-OTAN contribue à l'unité de l'Alliance et donc à son efficacité dans la réaction au contexte de sécurité.
Les membres de l'AP-OTAN apportent cette sensibilisation et cette compréhension dans les discussions au sein des parlements nationaux des Alliés et influencent ainsi l'adoption de politiques et d'actions appropriées qui soutiennent nos ambitions communes. La prise de conscience et les discussions sur les raisons pour lesquelles nous devons continuer à renforcer notre posture de dissuasion et de défense, augmenter le financement commun et mettre en œuvre d'autres décisions ambitieuses, sont bienvenues et nécessaires au niveau national pour informer les décideurs. Nous pourrons ainsi opter pour des solutions mieux informées aux questions de sécurité communes, rendre les politiques nationales des Alliés plus cohérentes et assurer une supervision nationale appropriée des principaux développements au sein de l'OTAN.
Rapports de Matej Tonin :
2019-INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : IMPACT SUR LES FORCES ARMÉES DE L'OTAN
2018-TRANSACTIONS SECRÈTES
2017-INTERNET DES OBJETS
