La ceinture et la route de la Chine et la Covid-19 posent des défis sécuritaires et économiques aux pays alliés

02 juillet 2020

La vidéo de la réunion se trouve en bas de page


Se réunissant pour la toute première fois sur une plateforme numérique, la commission de l'économie et de la sécurité de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN a tenu la première partie de ses délibérations annuelles de printemps le 2 juillet 2020. La réunion, sous l’égide du président de la commission, Ivans Klementjevs (Lettonie), a examiné deux projets de rapports, tous deux rédigés par le rapporteur général de la commission, Christian Tybring-Gjedde (Norvège) : Initiative La Ceinture et la Route de La Chine : Une évaluation stratégique et économique ainsi qu’un projet de rapport spécial portant sur Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19.

M. Tybring-Gjedde a d'abord discuté du projet de rapport général de la commission sur l'initiative « la ceinture et la route de la Chine ». Il a décrit cette initiative comme « l'expression parfaite des ambitions économiques, diplomatiques et stratégiques de la Chine dans le monde », ajoutant qu'elle façonnerait le paysage géopolitique du XXIe siècle de façon significative, ce que la communauté transatlantique ne pouvait ignorer.

L'Initiative « la ceinture et la route » (The Belt and Road Initiative, BRI) est en fait composée de trois initiatives étroitement liées : la ceinture économique de la route de la soie, la route maritime de la soie et la « route numérique de la soie ». Le long de ces corridors, un large éventail de projets d'infrastructures est en cours, notamment des oléoducs, des routes, des chemins de fer, des ports et des réseaux numériques, ainsi qu'une foule d'investissements industriels. Beijing, a fait remarquer M. Tybring-Gjedde, considère la « Route numérique de la soie » comme un moyen d'établir une position dominante dans un certain nombre de secteurs de pointe. Mais elle cherche également à utiliser la BRI pour aligner les nations partenaires sur ses cadres réglementaires et sa vision internationale globale.

M. Tybring-Gjedde a souligné plusieurs risques spécifiques que le projet pose à l'Occident. On peut citer par exemple les allégations selon lesquelles la BRI financerait et construirait des infrastructures qui pourraient être utilisées pour faciliter l'expansion militaire de la Chine tout en créant de nouvelles possibilités d'espionnage, notamment grâce à la route numérique de la soie. Elle créerait également des pièges à surendettement en accordant des prêts opaques. Et le peu d'importance que Beijing accorde aux risques liés à la pérennité de l'environnement pourrait créer des risques environnementaux à long terme.

Des pratiques de travail douteuses et le fait que Beijing ferme les yeux sur la corruption sont également très préoccupants, a fait remarquer M. Tybring-Gjedde. Le projet, a-t-il déclaré à la commission, affaiblit les efforts internationaux visant à améliorer la bonne gouvernance, non seulement dans les pays en développement, mais aussi en Occident.

Le rapporteur a exploré plusieurs des défis spécifiques qui se posent à la communauté transatlantique.  Selon lui, la Chine poursuit une stratégie de division et de conquête en Europe en utilisant la BRI. Alors que Washington considère la Chine principalement comme une puissance montante visant à remettre en cause sa position prééminente dans le monde, pour beaucoup en Europe, la Chine offre des opportunités commerciales tout en constituant une menace concurrentielle. Il a ajouté que « les Alliés devront donc s'entendre sur une approche commune à l'égard de la Chine afin qu'elle ne devienne pas une ligne de faille au sein de l'OTAN ».

La pandémie de Covid-19 a mis d’avantages en exergue certaines de ces tensions.  M. Tybring-Gjedde a souligné que le gouvernement américain avait beaucoup insisté sur le manque de transparence de la Chine au cours des premières phases de la pandémie. Même si de nombreux gouvernements européens partagent cette préoccupation, ils l'expriment d'une manière différente. 

Le rapporteur a conclu en appelant la communauté transatlantique à proposer un autre modèle de développement et d'investissements fondé sur les principes de transparence, de pérennité et de libéralisation des marchés, y compris le libre-échange et la bonne gouvernance. « Nous devrions tous nous efforcer de promouvoir ces valeurs et d'encourager la Chine à les adopter également », a-t-il déclaré.

La deuxième moitié de la réunion a été consacrée au rapport spécial de M. Tybring-Gjedde : Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Il a fait valoir que les pandémies agissaient comme des chocs économiques exogènes négatifs. Ces chocs peuvent affecter profondément l'offre et la demande mais aussi la situation monétaire et fiscale. Ils peuvent induire des ralentissements spectaculaires de la production, des investissements, des dépenses, de l'emploi et du commerce. La proportion de la population infectée, le nombre de semaines de travail perdues et le taux de morbidité sont autant de facteurs qui déterminent l'ampleur de la crise.

Les mesures prises pour minimiser l'impact de la pandémie peuvent également saper l'économie, du moins à court terme. « Le confinement permet de gagner du temps », a déclaré M. Tybring-Gjedde à la commission parlementaire, en réduisant la pression sur les établissements de soins et leur personnel et en diminuant les taux d'infection. Mais il peut également paralyser les économies nationales. Il a alerté sur l'absence de consensus social autour des mesures gouvernementales de lutte contre la pandémie qui pourrait prolonger la durée de la crise médicale et même déclencher des troubles politiques.

Les pandémies ont également un impact particulièrement négatif sur le commerce, en particulier lorsque les gouvernements imposent une cessation des activités commerciales et ferment les frontières. Parallèlement, l'effondrement des dépenses de consommation exacerbe les effets récessionnistes des pandémies. Le rapporteur a déclaré à la commission que la baisse de la demande des consommateurs, les fermetures, l'effondrement des échanges commerciaux et la guerre russo-saoudienne sur les prix du pétrole ont tous porté un coup dur aux marchés de l'énergie qui ont souffert de la chute des prix. Le secteur bancaire est également en difficulté, notamment en raison du montant important de la dette que les entreprises et les gouvernements avaient contractée avant la crise. 

L'intervenant a ensuite exploré les réponses des gouvernements à cette crise naissante. Il a fait remarquer que les banques centrales pouvaient contrer cette situation en maintenant des taux d'intérêt bas et en offrant des prêts garantis au système financier. Mais il y a des risques, a-t-il ajouté. Les bilans des gouvernements se sont considérablement détériorés, et on assiste à une montée du risque moral où les entreprises en viennent à supposer que les gouvernements seront toujours prêts à les renflouer. Toutefois, ce risque est désormais contrebalancé par la menace systémique que représente la spirale potentielle vers la dépression, a affirmé M. Tybring-Gjedde.

M. Tybring-Gjedde a conclu sa présentation par un vibrant plaidoyer en faveur d'une collaboration internationale plus poussée. Aucun pays ne peut résoudre seul la crise médicale ou économique, a-t-il déclaré. Le renforcement de la collaboration internationale n'est pas un objectif motivé par un certain idéalisme internationaliste, mais plutôt par une compréhension claire de la meilleure façon de défendre les intérêts nationaux dans un ordre économique intégré au niveau mondial. Il sera également essentiel de préserver un ordre commercial ouvert, a-t-il ajouté.   

Il y a des enseignements à tirer en pleine crise. Le manque de préparation aux futures pandémies est une évidence qui pourrait bien s'avérer catastrophique. L'intervenant a appelé à repenser « la façon dont nous définissons collectivement la sécurité nationale, car les dommages que les pandémies peuvent potentiellement infliger ne sont pas si différents de l'impact d'une guerre ou d'un conflit civil ».

Enfin, il a noté que les gouvernements et les parlements des pays membres de l'OTAN devraient réaffirmer leur volonté de respecter leurs engagements de dépenses en matière de défense de 2 % du PIB auxquels tous les gouvernements de l'OTAN ont souscrit.
    
La commission de l'économie et de la sécurité convoquera une deuxième réunion en ligne début septembre. Lors de cette réunion, Ausrine Armonaite (Lituanie) présentera son projet de rapport sur les Tensions économiques et géopolitiques dans la région de la mer Noire, et Jean-Marie Bockel (France) discutera de son projet de rapport sur La crise du Golfe et les marchés mondiaux de l'énergie. Ces rapports ainsi que les deux rapports de Christian Tybring-Gjedde seront révisés au cours de l'été pour leur deuxième et dernière lecture lors de la session annuelle de l'AP-OTAN, qui se tiendra à Athènes, en Grèce.