La Jordanie s'efforce de rester un bastion de stabilité dans une région de plus en plus agitée

28 novembre 2019

Amman/Bruxelles, le 27 novembre 2019 - Un nouveau paysage géostratégique se dessine au 
Moyen Orient : L'équilibre du pouvoir politique et économique du siècle dernier connaît une transition alors que certaines puissances, qu’elles soient régionales et extérieures, rivalisent pour y établir un tout autre type d'ordre. Les menaces émergentes non traditionnelles telles que posées par des États défaillants ou en déroute, les acteurs non étatiques poussés par des idéologies extrêmes, le changement climatique, le chômage persistant parmi des populations de jeunes en pleine croissance et les importants déplacements de population provoqués principalement par les guerres qui perdurent dans la région sont autant de facteurs qui ont un impact démesuré sur les luttes de pouvoir au niveau régional. 

La fragilité du Moyen-Orient a un impact direct sur la sécurité euro-atlantique. Les conflits et le désespoir économique ont poussé des vagues de réfugiés vers les États voisins ou vers l'Europe. La montée de l'extrémisme violent n'a fait qu'exacerber le problème. Les Alliés s’efforcent donc d'atténuer l'impact de ces défis tout en contribuant à s'attaquer à leurs causes profondes. Une délégation du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient (GSM) et de la commission de la défense et de la sécurité (DSC) de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN s'est rendue en Jordanie du 18 au 21 novembre pour mieux appréhender les graves problèmes de sécurité, économiques et politiques de cette région. 

Pendant la majeure partie du XXe siècle, survivre représentait le principal défi de sécurité pour la Jordanie en raison de la myriade de conflits découlant de l'effondrement de l'Empire ottoman et des lacunes du système lorsque le mandat britannique a pris fin après la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, assurer la résilience financière de la Jordanie à moyen et à long termes constitue le principal défi pour le gouvernement d'Amman. Comme les interlocuteurs jordaniens et internationaux l'ont expliqué à de multiples reprises à la délégation : La Jordanie manque de ressources, est confrontée à une explosion démographique de la jeunesse et supporte une part disproportionnée du fardeau des réfugiés dans la région.

Le premier ministre jordanien, Omar Al-Razzaz, a déclaré à la délégation que « la Jordanie a toujours donné la priorité à l'aspect humanitaire de son rôle dans la région - il n'y aura pas d'enfants laissés pour compte, c'est la devise qui guide notre approche des vagues de réfugiés que nous avons reçues au cours de ces dernières générations ; la Jordanie a toujours réussi, grâce à sa tolérance sociale et son leadership fort, à trouver un moyen de reconstruire son économie et d'avancer ». 

Lors de la dernière crise des réfugiés découlant de la guerre civile syrienne qui dure depuis près de neuf ans, la Jordanie est restée un bastion de stabilité et d'ouverture. Le pays a accueilli environ 1,4 million de réfugiés, en grande partie des enfants. Des représentants du gouvernement et d'ONG ont déclaré à la délégation que seuls 15 à 20 % des nouveaux réfugiés en Jordanie vivent pourtant dans les camps désignés administrés par l'ONU et ses partenaires d'aide internationale, ou d'autres organismes gouvernementaux jordaniens. 

La délégation s'est rendue au camp de réfugiés de Za'atari pour y rencontrer des responsables jordaniens et du HCR. Situés à 15 km de la frontière syrienne, Za'atari abrite plus de 77 000 réfugiés, soit trois fois plus que la capacité d’accueil prévue initialement : les enfants représentent 48 % de la population totale du camp. 

Le gouvernement jordanien est fortement tributaire des financements extérieurs pour soutenir l'importante population de réfugiés qui vit actuellement sur son territoire, mais certains fonctionnaires du ministère et du HCR ont déclaré à la délégation qu'il y a un fossé croissant entre les montants promis et les financements effectivement reçus. Comme l'a confié un fonctionnaire du HCR « nos efforts en Jordanie sont de plus en plus sous-financés ; nous sommes confrontés à une forte baisse des promesses de dons pour 2020 et nous n'avons encore reçu que 54 % des montants promis pour 2019 ».

Le fardeau de la population supplémentaire de réfugiés met clairement à l‘épreuve les capacités des institutions gouvernementales jordaniennes et grève l’économie. Les secteurs de l'éducation et de la santé sont les plus durement touchés ; les responsables gouvernementaux ont noté que des milliers d'enseignants du royaume cumulent les heures supplémentaires pour s'occuper des jeunes élèves en quête d'une éducation primaire. En outre, l'afflux récent de réfugiés a considérablement accru l'offre de main-d'œuvre au sein d’une économie déjà faible et souffrant d’un taux de chômage élevé, situé officiellement autour de 20 %, mais en réalité nettement supérieur à ce chiffre. 

Le fardeau démographique qui pèse sur ce petit pays, déjà pauvre en ressources et en situation de stress hydrique, est considérable. Comme l'ont noté les responsables, environ 70 % de la population du royaume a moins de 30 ans. La croissance démographique galopante du royaume a exacerbé des pénuries d'eau déjà alarmantes. Comme l'a expliqué le ministre de l’eau et de l’irrigation, Raed Muzaffar Abu Al-Saud, « la croissance démographique de la Jordanie n'est pas normale, et les ressources en eau en payent le prix ». La Jordanie détient actuellement le deuxième plus haut niveau de stress hydrique au monde. Elle dépend largement de ses voisins, la Syrie et Israël, pour ses flux d'eau de subsistance. Le Royaume est engagé dans des projets hydriques à grande échelle avec des partenaires internationaux et des organismes d'aide pour améliorer la situation, mais les niveaux de consommation sont actuellement bien supérieurs à la quantité d'eau qui provient du renouvellement des nappes aquifères par pluies ou débits des rivières. 

Au cours de la semaine, la délégation a également rencontré des membres des forces armées jordaniennes à la base aérienne de Muwaffaq Salti et au Centre de formation aux opérations spéciales du roi Abdallah II. La base aérienne de Muwaffaq Salti joue un rôle essentiel dans les opérations internationales de lutte contre Daech en Syrie.

Philippe Folliot (France) et Lara Martinho (Portugal) ont mené cette délégation de l'AP-OTAN en Jordanie, qui était composée de 25 parlementaires nationaux de 12 pays membres de l'Alliance. Un compte rendu plus complet de la visite sera disponible sur le site l'Assemblée parlementaire de l'OTAN dans les semaines à venir.


Les photos de cette visite appartiennent au domaine public et sont disponibles sur le compte Flickr de l'Assemblée.