Le concept stratégique de l’OTAN doit s’attaquer aux défis cybernétiques et aux problèmes de sécurité posés par le changement climatique

30 mai 2022

Vilnius — Ce dimanche, les membres de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN ont souligné que les attaques cybernétiques faisaient peser une menace grandissante sur la sécurité et que les dirigeants de l’Alliance atlantique devaient accorder à la question un haut niveau de priorité lorsqu’ils se réuniraient le mois prochain pour l’actualisation du concept stratégique allié.

« Les pays membres et l’OTAN [doivent placer] la protection des infrastructures critiques contre les cyberattaques au cœur de leurs approches de la sécurité et de la résilience, y compris dans le cadre de la révision à venir du concept stratégique », indique la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam (France) dans son avant-projet de rapport – Renforcer la protection des infrastructures critiques contre les menaces cybernétiques.

« (...) [Les] États membres de l’OTAN sont confrontés à une vague croissante et sans précédent de cyberattaques aux conséquences déstabilisantes et dévastatrices », rappelle Mme Garriaud-Maylam. « Des entités publiques et privées (...) indispensables au fonctionnement, au bien-être et à la cohésion des sociétés alliées (...) sont prises pour cible[s]. »

Dans un avant-projet de rapport distinct intitulé Cyberopérations offensives ou défensives : un défi pour l’OTAN, la sénatrice Roberta Pinotti (Italie) observe que « [l]a Russie et la Chine (...) déploient des efforts quasi permanents destinés à compromettre les systèmes des Alliés en vue de dérober des éléments de propriété intellectuelle et de s’emparer de secrets d’État, de mettre en péril les infrastructures critiques et de déstabiliser et fragiliser les institutions démocratiques. »

Face à la diversité de ces problèmes, l’OTAN est instamment invitée à « réaffirmer régulièrement qu’une cyberattaque, notamment contre une infrastructure critique, peut être considérée comme une attaque armée justifiant une réponse militaire dans le cadre de l’article 5 du Traité de Washington », lequel précise qu’une telle attaque contre l’un des pays membres sera considérée comme une attaque dirigée contre tous les pays membres. « [Le concept stratégique] doit souscrire explicitement à ce principe », ajoute Mme Garriaud-Maylam.

Les Alliés doivent partager plus largement les renseignements disponibles sur les attaques cybernétiques et entretenir une collaboration plus étroite avec le secteur privé pour mettre au point des parades à ce type d’attaque. Par ailleurs, il convient d’améliorer les cadres juridiques afin de réagir rapidement, efficacement et de manière coordonnée aux incidents cybernétiques. Il conviendrait d’allouer des ressources supplémentaires à ce domaine et d’intensifier la coopération avec les pays partenaires.

Mme Pinotti constate que les « programmes de rapprochement » conçus par l’OTAN à l’intention de l’Ukraine ont contribué à déjouer des opérations cybernétiques russes « d’envergure ». Elle conclut : « Couplée à un soutien financier, diplomatique, humanitaire et militaire s’inscrivant dans la durée, la livraison à l’Ukraine d’un soutien accru en matière de cyberdéfense aidera le peuple ukrainien à mettre en échec les attaques sauvages contre sa souveraineté lancées par la Russie en l’absence de toute provocation. » 

Si le concept stratégique est censé mettre une nouvelle fois l’accent sur la défense collective, tâche fondamentale de l’OTAN, les parlementaires des 30 pays membres que compte l’Alliance ont cependant estimé que la nouvelle version dudit concept devait aussi porter sur d’autres grandes questions de sécurité, dont le changement climatique, le terrorisme et la protection humanitaire.

« Dans son nouveau concept stratégique, l’OTAN doit réaffirmer que le changement climatique représente une grave menace pour l’Alliance, non seulement sur le plan militaire, mais également du point de vue de la sécurité civile », indique Linda Sanchez (États-Unis) dans son avant-projet de rapport Comprendre le changement climatique et s’y adapter pour en atténuer les effets sur la sécurité civile des Alliés. « Les efforts déployés pour combattre les effets du changement climatique doivent être pleinement intégrés aux trois tâches fondamentales de l’Organisation : défense collective, gestion de crise et sécurité coopérative. » 

Mme Sanchez met en garde contre les « effets dévastateurs » du changement climatique pour la sécurité : ils rendent vulnérables les infrastructures essentielles, provoquent des mouvements migratoires, aggravent les inégalités et alimentent les conflits.

Elle demande aux gouvernements alliés d’allouer à la concrétisation des objectifs climatiques des ressources humaines et financières adéquates, de galvaniser la recherche dans le domaine de la technologie climatique et de vérifier fréquemment l’état de vulnérabilité des infrastructures vitales aux conditions météorologiques extrêmes.

Bien que les Alliés aient remporté de retentissants succès dans la lutte contre le terrorisme, la menace est toujours là.

« L’invasion de l’Ukraine par la Russie représente incontestablement le principal défi pesant aujourd’hui sur la sécurité euro-atlantique. Mais la menace asymétrique que constitue le terrorisme reste néanmoins bel et bien présente », rappelle Jean-Charles Larsonneur (France) dans son avant-projet de rapport Adapter la réponse des Alliés à l’évolution de la menace terroriste. « [M]ême si les Alliés axent aujourd’hui leurs efforts sur (...) leur posture de défense et de dissuasion collective, ils restent particulièrement vigilants (...) à l’évolution de la menace terroriste. » 

M. Larsonneur demande instamment un plus large partage des renseignements – y compris entre les services des pays alliés chargés de la sécurité intérieure –, la fourniture d’une assistance durable aux opérations cinétiques de contre-terrorisme du type de celles qu’organisent la France et les États-Unis et une contribution aux efforts déployés par l’ONU, l’Union européenne, l’Union africaine et d’autres entités pour s’attaquer aux causes profondes du terrorisme.

À une époque de plus en plus focalisée sur la concurrence entre grandes puissances, une politique antiterroriste efficace peut renforcer l’OTAN, écrit M. Larsonneur. 

Toujours selon lui : « S’assurer, aux fins de la lutte antiterroriste, la présence de partenaires fiables et stables (…) ne pourra que contribuer aux efforts plus vastes que les Alliés (…) déploient pour renforcer l’ordre international fondé sur des règles » en suscitant la confiance dans les institutions démocratiques, en favorisant des partenariats diplomatiques, en améliorant le respect des droits humains et en instaurant des régimes commerciaux mutuellement bénéfiques.

Préserver un espace dévolu à l’action humanitaire est un autre secteur dans lequel l’OTAN peut consolider la sécurité, selon Anissa Khedher (France). 

« En venant en aide aux populations civiles dans le besoin et ce faisant, en participant à la stabilisation des pays en conflit, l’action humanitaire contribue donc à la sécurité de l’Alliance », écrit Mme Khedher dans son avant-projet de rapport intitulé Agir pour préserver l’espace humanitaire : quel rôle pour les Alliés et l’OTAN ?. « [I]l est essentiel que les gouvernements alliés et l’OTAN fassent tout leur possible pour lutter contre le rétrécissement de l’espace humanitaire en soutenant le travail des travailleurs humanitaires, en renforçant leur sécurité et en œuvrant à la levée des obstacles qui entravent leur action. »

Mme Khedher exhorte l’Alliance à faire en sorte que la prochaine version du concept stratégique accorde une place plus importante à la préservation de l’espace humanitaire, à la promotion du droit international humanitaire, à la protection des civils et au renforcement de la sécurité humaine.

Irene Fellin, représentante spéciale du secrétaire général de l’OTAN pour les femmes, la paix et la sécurité, est intervenue durant la session. Elle a expliqué comment une plus grande participation des femmes permettait de bâtir des sociétés plus fortes et plus résilientes.

L’OTAN « doit continuer à intégrer la dimension de genre dans l’ensemble de ses tâches fondamentales car, personne n’en doute, c’est la chose la plus sensée et la plus correcte que nous puissions faire… Mais c’est aussi une démarche qui nous correspond et qui renvoie aux valeurs essentielles de nos sociétés démocratiques ».