Les défis en matière de sécurité dans le Sahel et la menace que représente la Covid-19 pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord ont été examinés lors de la réunion de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN

08 juillet 2020

La vidéo de la réunion se trouve en bas de page


Pour la première fois, les membres du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient (GSM) de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN se sont réunis en ligne pour examiner la version initiale de ses deux projets de rapport pour 2020. Compte tenu de l'incapacité à tenir une réunion interparlementaire normale en raison de la pandémie de Covid-19, le groupe s'est réuni via une plateforme en ligne. La réunion, qui s'est tenue le 8 juillet 2020, était présidée par Philippe Folliot (France), président du GSM. Les membres ont examiné deux projets de rapport : un document du rapporteur du groupe, Ahmet Berat Conkar (Turquie), sur Développement et sécurité dans la région du Sahel et un projet de rapport spécial de Philippe Folliot sur La pandémie de Covid-19 et la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Des parlementaires des pays membres et partenaires de l'OTAN ont participé aux discussions. 

M. Conkar a commencé son intervention en faisant remarquer que la région du Sahel en Afrique était vaste et abritait quelque 150 millions de personnes. Mais l'insécurité s'étend au delà des frontières poreuses, avec des répercussions dramatiques non seulement pour les habitants de la région mais aussi pour leurs voisins. Le rapporteur a déclaré que des mouvements armés liés à al-Qaïda ou à Daech opéraient désormais dans tout le Sahel central, et que plusieurs signes montraient que les États de la région avaient commencé à perdre le contrôle de la situation sécuritaire dans certaines zones.

Il a signalé l'émergence d'une profonde crise de confiance entre les populations vulnérables et leurs gouvernements, qui génère un environnement fertile pour la propagande extrémiste et le recrutement de terroristes. 

L'instabilité politique et l'échec économique sont des facteurs essentiels de la migration de masse. Mais ceux qui se lancent dans ces voyages risquent d'être victimes de groupes criminels, a noté M. Conkar. Il a souligné que les trafiquants de drogue et d'armes suivaient souvent les mêmes itinéraires de contrebande, tandis que les terroristes avaient tissé des liens très forts avec les organisations criminelles opérant dans la région. Cette situation n'a pu que faire monter le niveau de violence tout en empoisonnant les relations intercommunautaires et en sapant le respect de l'autorité traditionnelle et des institutions de l'État. 

La précarité des conditions de vie et la marginalisation sociale généralisée font que les jeunes hommes au chômage n'ont concrètement pas la possibilité de se marier et d'acquérir par là même un certain statut social. Cette situation est fondamentalement déstabilisante et concomitante avec la corruption qui a alimenté une crise de confiance au sein de l’opinion publique envers les institutions de l'État.

Le rapporteur a également noté que des réponses purement militaires à la montée de la crise sécuritaire pourraient plonger la région dans un cercle vicieux : les opérations militaires infligeraient des coûts élevés aux populations locales et pousseraient davantage d'habitants vers des groupes extrémistes violents. Il a laissé entendre que ce qui pesait dans la balance était davantage la détention illégale d'êtres chers, la lutte pour l'accès aux zones de pâturage ou la quête de reconnaissance au sein du village que l'appel du soi-disant djihad mondial.

Le rapporteur a indiqué qu'un cadre plus cohérent de coordination entre les différents acteurs internationaux opérant dans la région était nécessaire pour stabiliser la région et relever des défis politiques, sociaux, économiques et sécuritaires plus tenaces. Selon lui, les solutions simples ne fonctionneront pas, et les initiatives militaires seules ne permettront certainement pas de résoudre les problèmes sous-jacents.

L'affectation disproportionnée de fonds et de ressources à la gestion des frontières et le manque d'alternatives économiques pour les communautés vulnérables laissent penser que ce problème va perdurer et pourrait bien s'aggraver dans les années à venir. D’après ses conclusions, les réponses militaires et humanitaires, même lorsqu'elles sont bien coordonnées ne peuvent se substituer à de véritables solutions politiques. Au final, c'est un nouveau contrat social qui est nécessaire entre les États du Sahel et leurs populations. 
 La seconde moitié de la réunion a été consacrée au projet de rapport de M. Folliot sur La pandémie de Covid-19 et la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. 

M. Folliot a déclaré avoir préparé ce projet de rapport spécial sur la pandémie de Covid-19 et la région MOAN parce que la maladie et les mesures de confinement nécessaires pour l'endiguer représentaient une menace sérieuse pour la santé publique, la sécurité et l'économie de la région. Il a ajouté qu’il s’agissait d’un sujet qui concernait directement les pays alliés. Alors que le premier cas de Covid-19 dans la région MOAN a été enregistré en janvier 2020, jusqu'à présent, ce sont les effets secondaires avec des fermetures dues à la maladie, l’effondrement du commerce, la chute des prix de l'énergie et la mise à genoux du secteur des voyages et du tourisme qui constituent le principal problème dans une grande partie de la région. 

M. Folliot a déclaré aux parlementaires que la propagation de la maladie et le confinement avaient fait payer un tribut particulièrement élevé aux groupes vulnérables comme les réfugiés, les femmes, les enfants et les travailleurs informels. 

On s'inquiète de plus en plus de la capacité des immenses communautés de réfugiés et de personnes déplacées de la région à faire face à la maladie, d'autant plus que nombre d’entre eux vivent dans des conditions très précaires, dans des régions de forte densité de population et que les infrastructures de soins de santé sont très mauvaises dans de nombreux pays de la région. 

D’après M. Folliot, les perspectives économiques régionales sont particulièrement préoccupantes. La demande intérieure a chuté, les échanges commerciaux et les investissements étrangers se sont effondrés, tandis que la demande mondiale en énergie, une source de richesse essentielle dans la région, a plongé en même temps que les prix du pétrole et du gaz. Une guerre des prix entre l'Arabie saoudite et la Russie n'a fait qu'aggraver le problème.

Les disparités sociales et économiques pourraient se renforcer avec la récession. Même si les mesures de confinement ont ralenti les protestations sociales et politiques dans certaines parties de la région, « la situation ne restera pas figée longtemps », a averti M. Folliot. Il a ajouté que « l'instabilité et la frustration pourraient également profiter aux groupes terroristes opérant dans la région ». Cependant, la pandémie offre également de nouvelles possibilités de dialogue, comme les discussions très limitées mais potentiellement importantes entre Israël, l'Autorité palestinienne et le Hamas sur les questions relatives à l'endiguement de la pandémie.

M. Folliot a conclu en laissant entendre que la communauté internationale devait rester vigilante. Les budgets d'aide sont désormais menacés, et il est impératif d'apporter une réponse internationale coordonnée. Les gouvernements de l'OTAN devront travailler plus étroitement avec les gouvernements de la région et les organisations internationales afin de mettre en place les conditions nécessaires à la construction d'une paix durable. Ceci est particulièrement important à un moment où la Covid-19 met en exergue de graves tensions et exacerbe les conflits dans la région. 

Les deux projets de rapport examinés par le GSM lors de cette réunion seront révisés au cours de l'été avant une deuxième et dernière lecture lors du prochain séminaire annuel du GSM, qui devrait se tenir en Italie cet automne.