Les pays de l’OTAN ont été invités dimanche à rester prudents vis-à-vis des ambitions mondiales de la Russie, en dépit des répercussions que la pandémie de Covid-19 pourrait avoir sur leurs dépenses de défense. L’utilisation que la Russie fait désormais de la guerre hybride par le biais de campagnes de propagande, ses guerres menées par procuration et ses liens avec des sociétés militaires privées sont particulièrement inquiétantes.
Un projet de rapport présenté aux membres de la commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN met également en garde contre les progrès récents de la Russie en matière de guerre électronique, qui ont été testés en Ukraine et en Syrie, et qui dépassent même certaines capacités alliées.
« La capacité de la Russie à perturber l’ordre mondial existant s’accroît », a déclaré le sénateur français Cédric Perrin. Les déclarations de ses dirigeants, a-t-il dit, suggèrent « que la Russie continuera à faire usage de son nouveau pouvoir pour s’efforcer de remodeler le système international à la faveur des intérêts russes ».
Le projet de rapport, établi par les sénateur Perrin en vue de son adoption lors de la 66e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, exhorte les gouvernements alliés à maintenir pour le moins leurs niveaux actuels d’investissement dans la défense, alors même que la pandémie affecte leurs économies.
Selon le rapporteur, la Russie cherche à saper les valeurs et les institutions auxquelles nous croyons le plus ». Il ajoute qu’en faisait preuve d’unité et en appréhendant bien la menace, les pays pouvaient renforcer leurs « capacités individuelles et collectives à relever et à surmonter ce défi ainsi que tout autre ».
En termes de dépenses militaires, le rapport note que la Russie est largement parvenue à atteindre l’objectif des 70 % d’équipements modernes qu’elle s’était fixé dans son premier plan décennal d’armement de l’État (SAP 2020). Elle a dépassé ses objectifs en matière de forces nucléaires stratégiques et d’aérospatiale de défense, même si elle n’a pas obtenu d’aussi bons résultats pour ses forces maritimes et terrestres. Les dépenses prévue dans le cadre de son prochain SAP en 2027 se concentreront sur les forces armées russes, et notamment sur les forces d’élite de réaction rapide.
Richard Connolly, directeur du Centre d’études russes, est-européennes et eurasiennes de l’Université de Birmingham, a déclaré à la commission que les niveaux de dépenses de défense de la Russie sont souvent sous-estimés en raison des variations du taux de change sur les marchés, alors que la parité du pouvoir d’achat s’avèrerait un instrument de mesure plus fiable.
« Nous constatons que les investissements réels de la Russie [dans la R & D militaire] représentent un peu moins de la moitié de ceux des États-Unis », a-t-il déclaré. « Cela permettra à la Russie de peser plus lourd, au cours de la prochaine décennie, sur le plan économique et j’assume que cela lui permettra de mettre en place de nouvelles plateformes. »
M. Connolly a souligné que les faiblesses militaires de la Russie résident dans sa carence en navires de guerre opérant en eaux profondes et en avions de chasse modernes, même si sa production d’avions de combat et de missiles balistiques reste l’un de ses points forts.
Il a exhorté les Alliés à relever l’utilisation par la Russie d’autres capacités non militaires, telles que les approvisionnements en pétrole et en gaz, les centrales nucléaires, les exportations d’armes ou les denrées alimentaires. Il a déclaré que la Russie avait recours à ce type de leviers économiques en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, mais qu’elle pénétrait également les marchés d’Amérique du Sud et d’Afrique subsaharienne.
Selon l’intervenant, « nous devons éviter toute complaisance dans notre évaluation de la capacité de la Russie à soutenir ce que les États-Unis appellent ‘la concurrence des grandes puissances’, à savoir une politique étrangère plus assertive ».
D’après le projet de rapport, les dépenses de défense de la Russie ont cependant souffert des effets des sanctions internationales sur le pays, de la baisse significative des revenus énergétiques, notamment due aux pressions du marché et de la perte de l’Ukraine comme partenaire commercial dans le secteur de l’industrie de la défense.
« La pandémie de Covid-19 a un impact significatif sur l’économie russe, du fait du ralentissement économique général, mais aussi du quasi-effondrement des marchés pétroliers plus tôt dans l’année », a déclaré M. Perrin.
Le document identifie une stratégie en trois volets, développée par la Russie pour ses programmes d’armement : greffer la technologie moderne et les méthodes occidentales sur les structures soviétiques existantes ; identifier les outils militaires américains et occidentaux susceptibles d’être imités et intégrés dans le concept militaire russe ; et développer des moyens asymétriques visant à contrer toute capacité que la Russie n’est pas en mesure d’égaler.
Il a également noté que le recours par la Russie à des sociétés militaires privées a joué un rôle capital dans ses opérations en Ukraine et en Syrie mais qu’il a en revanche compliqué davantage les conflits en Libye et en République centrafricaine. Il indique que Moscou les utilisera de plus en plus fréquemment dans ses interventions sur d’autres zones sensibles du globe.