Sarajevo, 8 octobre 2018 – Les élections générales qui ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine le 7 octobre étaient véritablement ouvertes, mais elles ont été caractérisées par la persistance d’une fragmentation ethnique. Telle est la conclusion d’une déclaration préliminaire publiée aujourd’hui par les observateurs internationaux, lesquels ont constaté que les failles affichées de longue date par le cadre juridique n’avaient pas été comblées et que des désaccords politiques s’étaient soldés par le gel des discussions ouvertes récemment autour de la réforme, sapant plus encore la confiance dans les institutions.
On peut lire dans cette déclaration préliminaire que les électeurs pouvaient choisir parmi un large éventail de candidats qui ont pu exposer librement leur programme, préférant toutefois mener une campagne placée sous le signe des attaques ad hominem et de la peur plutôt que d’offrir des solutions politiques. La dépendance des médias vis-à-vis des milieux politiques et du monde des affaires s’est souvent traduite par des reportages biaisés. D’autre part, les autorités n’ont pas répondu de manière effective à diverses tentatives malvenues d’influencer les électeurs en faveur de responsables publics.
Mavroudis Voridis, coordonnateur spécial et chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE, a déclaré : « Nous avons rencontré dans des bureaux de vote des équipes d’assesseurs souvent composées de jeunes femmes et de jeunes hommes résolus à gérer un système électoral complexe pendant toute une journée. Il aurait fallu remédier depuis longtemps à la complexité et aux défaillances du système de l’après-Dayton. J’invite instamment les institutions à ne plus perdre de temps et à engager immédiatement les réformes nécessaires. »
Dame Cheryl Gillan, cheffe de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), a indiqué : « Le scrutin d’hier s’est déroulé dans le calme et les électeurs ont pu choisir librement parmi un large éventail de partis et de candidats. Les membres de la délégation regrettent que les modalités des élections aient contrevenu une fois de plus aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme relatives aux discriminations fondées sur l’appartenance ethnique ou le lieu de résidence. En outre, ils se sont dits déçus que la campagne électorale soit restée ethniquement fragmentée. »
Les libertés d’expression, de circulation et de réunion ont été généralement respectées durant une campagne largement fragmentée en fonction de critères ethniques. Les candidats ont tenu un discours négatif qui exacerbait les polarités. Dans la déclaration préliminaire, il est fait état de cas de traitement préférentiel accordé à certains candidats par les autorités locales et de l’utilisation inappropriée de ressources publiques.
« Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons façonner l’avenir », a dit Pia Kauma, cheffe de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, qui a ajouté : « La population de ce pays – et, singulièrement, les jeunes générations – mérite qu’on lui offre un plus grand choix de perspectives politiques. »
Frank Engel, chef de la délégation du Parlement européen, a précisé : « Le scrutin a été matériellement crédible et il donnera des résultats concrets. Le problème qui se pose maintenant à la classe politique de Bosnie-Herzégovine est de veiller à ce que ces résultats servent l’intérêt commun, non des intérêts particuliers. »
Le cadre juridique est généralement de nature à permettre la tenue d’élections démocratiques, mais de sérieuses insuffisances, pourtant connues de longue date, subsistent, car les réformes de la Constitution et du système électoral sont dans l’impasse pour des raisons politiques. Les restrictions apportées aux conditions d’éligibilité, restrictions fondées sur l’appartenance ethnique et le lieu de résidence, sont contraires aux engagements du Conseil de l’Europe et à d’autres normes internationales ; qui plus est, les jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’homme en la matière n’ont toujours pas été appliqués.
« Il convient de s’atteler à la résolution des problèmes de fond posés par le cadre constitutionnel et juridique, mais nous avons vu hier de nombreux responsables de la gestion des élections résolus à faire fonctionner le système électoral ainsi que de nombreux électeurs résolus à modeler l’avenir de leur pays », a dit Rasa Juknevičienė, cheffe de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.
La Commission électorale centrale (CIK) a administré le scrutin avec efficacité, en dépit de ressources financières et humaines limitées et dans un climat persistant de critiques et d’allégations relatives aux préparatifs techniques. On relève à tous les niveaux un manque de confiance dans l’administration électorale, dont l’impartialité a été mise en doute à la suite de nombreuses plaintes crédibles selon lesquelles des candidats échangeaient des postes pour obtenir la mainmise sur tel ou tel autre bureau de vote. Les assesseurs affectés aux élections municipales se sont comportés avec plus de professionnalisme, ont déclaré les observateurs. Le jour du scrutin, les assesseurs se sont acquittés de leurs fonctions dans la transparence, mais ils ont parfois eu du mal à suivre les procédures, notamment au stade du dépouillement.
L’absence de renseignements sur l’identité des propriétaires des médias et l’influence exercée par le monde politique et les milieux d’affaires sur le contenu rédactionnel suscitent des interrogations quant à l’aptitude de la majeure partie de la presse à publier des informations objectives, peut-on lire dans la déclaration préliminaire. Les chaînes de radio et de télévision du service public ont accordé gratuitement du temps d’antenne aux candidats pendant la durée de la campagne officielle. Un rapport de surveillance des médias a montré que le service public de la Republika Srpska avait consacré un nombre considérablement plus élevé de reportages à l’un des candidats à l’élection présidentielle.
« Nous avons constaté que les libertés fondamentales étaient respectées ; pourtant, la méfiance à l’encontre des institutions est toujours présente », a dit l’ambassadeur Peter Tejler, chef de la mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH). « Le rapport définitif du Bureau soulignera les aspects positifs de ces élections et formulera des recommandations pour pallier les insuffisances que nous avons relevées. »
Les observateurs ont entendu de multiples interrogations relatives à l’exactitude du Registre central des électeurs et, en particulier, à la présence sur les listes électorales de personnes décédées. La CIK a pris des mesures pour rendre le Registre plus précis et a saisi les services du procureur d’allégations de fraude dans les votes par correspondance.
L’égalité des genres ne figurait pas parmi les grands sujets de la campagne, même dans les débats autour de questions sociales ou de la famille. Si les femmes ont bien pris part à des activités électorales, elles ont rarement fait campagne de leur propre chef et les candidatures féminines n’ont pas été activement soutenues par les structures politiques des partis, pas plus qu’elles n’ont été largement traitées dans les médias, est-il indiqué dans la déclaration préliminaire.
Des mécanismes d’enregistrement des plaintes et des recours sont en place et permettent d’examiner en temps voulu les dossiers, y compris sous l’angle judiciaire. Cependant, une interprétation restrictive de la part des équipes d’assesseurs, s’agissant de se prononcer sur la recevabilité des plaintes, a entraîné l’absence de mesures correctrices, de sorte que les irrégularités alléguées n’ont pas été examinées. La CIK a analysé un certain nombre de plaintes lors de séances publiques et les a enregistrées (mais le doute subsiste pour ce qui est de la transparence du processus) et elle a publié les attendus de ses décisions – lesquelles ont généralement fait l’objet d’un consensus – de manière à conserver un équilibre ethnique global dans la méthode qu’elle a employée pour régler les différends.
Pour toute information complémentaire, veuillez vous adresser à :
Thomas Rymer, OSCE/BIDDH, +387 67 130 1572 or +48 609 522 266, [email protected]
Iryna Sabashuk, AP-OSCE, +387 62 361 066 or +45 60 10 81 73, [email protected]
Chemavon Chahbazian, APCE +387 62 032 847 or +33 (0) 6 50 68 76 55, [email protected]
Tim Boden, Parlement européen, +387 60 302 0657 or +32 498 3414, [email protected]\
Ruxandra Popa, AP-OTAN, +32 484 690 848, [email protected]