Visite parlementaire majeure en Finlande, point d’ancrage solide sur le nouveau flanc nord-est de l’OTAN

29 septembre 2023

Ses forces armées de premier ordre, son concept de défense pan-nationale, sa situation géographique incomparable et son engagement sans faille en faveur des valeurs démocratiques communes font de la Finlande un pays membre à la fois robuste et résilient. La Finlande a les moyens de défendre la frontière de 1 340 km qu’elle partage avec la Russie et d’apporter une contribution robuste à l’approche de sécurité à 360 degrés de l’OTAN. Telles sont les principales conclusions de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN qui  s’est rendue à Helsinki et à Hämeenlinna du 19 au 21 septembre, dans le cadre du premier déplacement organisé en Finlande depuis l’adhésion de ce pays à l’Alliance.


Cette visite de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité (DSCTC) et de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN (PCNP) avait pour objectif d’approfondir la compréhension du rôle dévolu à la Finlande au sein de l’OTAN et de s’informer sur le point de vue d’Helsinki face à un série de questions en rapport avec la sécurité, comme l’évolution du paysage stratégique en mer Baltique et dans le Grand Nord, la dynamique à l’œuvre le long de la frontière avec la Russie et les défis multiformes posés par la Chine.  


La délégation, qui réunissait 40 personnes représentant 14 pays membres de l’OTAN, était emmenée par Lord Campbell of Pittenweem (UK), président de la DCSTC, et par Théo Francken (Belgique), vice-président de la PCNP.


Avec l’adhésion à l’OTAN de la Finlande en tant que membre à part entière, la sécurité euro-atlantique et la politique étrangère et de défense de la Finlande prennent pied dans une ère nouvelle


L’invasion massive de l’Ukraine par la Russie a envoyé des ondes de choc qui continuent de se propager sur le flanc est de l’Alliance. Moins de trois mois après l’invasion par la Russie, la Finlande a renoncé à la politique de non-alignement militaire qu’elle appliquait de longue date pour soumettre, en même temps que la Suède, une demande d’adhésion à l’OTAN. Elle a rejoint l’Alliance le 4 avril de cette année, au terme du processus d’adhésion le plus rapide dans l’histoire de cette dernière. L’arrivée de ce nouveau membre est venue modifier en profondeur la situation sur le flanc nord-est de l’OTAN, a fait plus que doubler la longueur de la frontière commune entre l’Alliance et la Russie, et a renforcé significativement la position de l’OTAN dans la région de la mer Baltique.


En tant que 31e État membre de l’OTAN, la Finlande est bien placée pour faire office de rempart le long de la frontière dorénavant plus longue entre l’OTAN et la Russie, et ancrer ainsi une nouvelle réalité sur le flanc nord-est de l’Alliance. La partie septentrionale du territoire finlandais est toute proche de la péninsule de Kola où sont stationnées d’importantes forces russes, tandis que son extrémité sud n’est qu’à 70 km de Tallinn, sur l’autre rive du golfe de Finlande.


L’histoire difficile des relations russo-finlandaises au cours du 20e siècle, en particulier les vestiges de la guerre d’hiver de 1939-1940, ont amené Helsinki à se doter de forces armées puissantes et modernes basées sur la conscription et privilégiant la défense territoriale. À titre d’exemple, les moyens d’artillerie dont dispose la Finlande sont plus conséquents que ceux de la France et de l’Allemagne réunies. Comme l’indiquait sans ambages Timo Kivinen, chef d’état-major des forces de défense finlandaises : « La responsabilité première de la Finlande en matière de défense incombe à la nation elle-même, et s’enracine profondément dans cet objectif historique qu’est la sécurité de la patrie. »


Comme indiqué par différents intervenants, la Finlande s’appuie sur un concept de défense intégral basé avant tout sur la résilience transversale. Les résultats sont impressionnants : malgré une population relativement peu importante (5,5 millions d’habitants), les forces armées nationales peuvent passer rapidement, en temps de guerre, de 24 000 à 280 000 , et s’appuyer sur une force de réserve performante comptant 900 000 personnes supplémentaires. Les sondages d’opinion font ressortir qu’une proportion remarquable de citoyens finlandais – plus de 80 %  – seraient prêts à participer à la défense du pays en cas de guerre.


La Finlande a bien compris que son adhésion pleine et entière à l’Alliance passera forcément par une adaptation de sa posture de défense. Comme l’a déclaré le général Kivinen : « Nous nous employons à optimiser l’intégration des capacités finlandaises de défense dans l’OTAN, de sorte qu’elles puissent contribuer sur tous les plans à la dissuasion et à la défense des Alliés. » La Finlande devra donc adapter sa structure et son processus de planification de forces en vue de son intégration à toute la gamme des plans de défense de l’OTAN, et accélérer la cadence et l’envergure de ses exercices (notamment les entraînements relevant de l’article 5). Les hauts responsables de la défense ont aussi signalé que la Finlande participera par ailleurs aux groupes maritimes permanents de l’OTAN ainsi qu’aux missions de police du ciel de cette dernière, contribuera aux forces terrestres déployées à l’avant, viendra renforcer la force de réaction de l’Alliance, et aura un rôle à jouer dans la mission de défense aérienne intégrée et antimissile de l’OTAN.


M. Jukka Salovaara, secrétaire d’État permanent du ministère des affaires étrangères, a souligné que l’adhésion à l’OTAN amenait son pays à opérer une refonte de sa politique étrangère et de défense. La Finlande a fait sienne l’approche à 360 degrés et œuvre désormais aux côtés des Alliés pour contrer les menaces présentes non seulement sur le flanc est, mais également au sud, et ce dans tous les domaines.


La délégation a également appris que la Finlande a l’intention de porter ses dépenses de défense à 6 milliards d’euros en 2024 – soit 2,3 % environ du PIB, une augmentation remarquable par rapport à la moyenne de la décennie écoulée (plus ou moins 1,4 %). Les montants supplémentaires consentis dans ce cadre (pas loin de 2 milliards d’euros) seront essentiellement affectés à l’acquisition, programmée récemment, de 64 chasseurs F-35 destinés à remplacer la flotte vieillissante de F-18, ainsi qu’à la mise à hauteur à mi-service des quatre navires lance-missiles de la marine finlandaise. Les responsables ont également indiqué que la Finlande prévoit de rester au-dessus du seuil de référence de 2 % du PIB et donc, que cette augmentation des dépenses de défense est appelée à devenir la norme après l’adhésion. 


Dans un avenir plus proche, le pays cherche à optimiser la mise à profit des potentialités offertes par les technologies émergentes comme les systèmes sans pilote et basés sur l’intelligence artificielle, ainsi que leur intégration à sa structure de forces. Ces technologies, qui sont appelées à représenter 30 % des capacités dans les années 2030, devront s’adapter à l’évolution des concepts de défense de l’OTAN et au caractère changeant de la guerre moderne.


Un engagement sans faille en faveur de l’Ukraine

La Finlande reste fermement aux côtés de l’Ukraine depuis l’invasion massive, illégale, brutale et menée en l’absence de toute provocation par la Russie en février 2022. À ce jour, elle a mobilisé pour ce pays plus de 1,4 milliard d’euros en aide militaire, financière et humanitaire. Comme indiqué par le général de corps d’armée Esa Pulkinnen, secrétaire permanent et président de la commission de la sécurité au ministère finlandais de la Défense : « Soutenir l’Ukraine n’est pas seulement un choix, mais une nécessité qui fait ressortir l’importance de la solidarité internationale en périodes de conflit. » L’aide fournie par la Finlande ne se résume pas à renforcer les capacités de défense de l’Ukraine ; il s’agit également de contribuer aux réformes économiques et au développement des infrastructures de ce pays ainsi qu’à l’action humanitaire dans les régions où se déroulent les affrontements.


Compte tenu de son histoire particulière au cours de la guerre froide, la Finlande a gardé un parc important de systèmes d’armes hérités de l’ère soviétique, qui sont immédiatement déployables et aisément intégrables aux forces ukrainiennes. Cette spécificité lui a permis d’envoyer à l’Ukraine 19 paquets d’aide militaire à ce jour.


Dimensions nordique et balte de la sécurité régionale


Les intervenants finlandais n’ont pas manqué d’exprimer leur scepticisme face à l’affirmation de plus en plus répandue selon laquelle la Baltique serait devenue un lac aux mains de l’OTAN – alors que ce n’est pas le cas, cette zone restant contestée. Même si l’adhésion de la Finlande à l’OTAN se traduit par de nouvelles réalités politico-militaires dans la région, la réalité physique reste, elle, inchangée : la mer Baltique foisonne d’infrastructures sous-marines critiques qui, depuis les câbles de télécommunication jusqu’aux pipelines, ont toutes contribué de manière déterminante à la croissance économique rapide de la région durant les décennies de l’après-guerre froide, et dont la vulnérabilité a été brutalement mise en évidence en septembre 2022 avec le sabotage des pipelines Nord Stream. Les voies de communication maritimes en mer Baltique sont vitales tant pour la Finlande que pour la Russie. 


Quatre-vingt-quinze pourcent du trafic commercial vers et depuis la Finlande transitent par ces voies de communication. La Russie est elle aussi fortement tributaire de la Baltique, qui constitue un point d’accès crucial pour ses échanges économiques et ses activités militaires. Les exportations de produits pétroliers via Saint-Pétersbourg ont plus que doublé par rapport à tous ses autres ports. La Russie emprunte aussi les voies de communication sillonnant la mer Baltique pour ses liaisons avec Kaliningrad et l’approvisionnement des régions de Saint-Pétersbourg et de Moscou. La sécurité des voies de communication en mer Baltique est donc vitale pour les deux parties. Les responsables de la défense rencontrés par la délégation ont déclaré que la Finlande tient par-dessus tout se donner les moyens de préserver ses intérêts en mer Baltique, ce qui suppose d’importants investissements dans la préparation des forces ainsi que dans le renseignement, la surveillance et la reconnaissance.


Les interlocuteurs finlandais ont également déclaré qu’il était prioritaire, dans l’intérêt de la défense et au vu de l’évolution plutôt radicale de la dynamique d’ensemble dans le Grand Nord, de suivre de plus près les activités de la Russie dans l’Arctique, en particulier en mer de Barents. L’esprit de coopération qui présidait autrefois aux relations dans la région arctique s’est dégradé depuis 2014, et encore plus depuis 2022, en raison de l’aventurisme militaire débridé de la Russie. Les sept autres États membres du Conseil de l’Arctique ont suspendu la coopération avec la Russie en mars 2022, et les activités menées dans la région sont aujourd’hui éclipsées par la rivalité entre grandes puissances. Les intervenants ont souligné l’importance stratégique que la Finlande attache au Grand Nord, et la nécessité qui en résulte, pour leur pays, d’être plus étroitement associé à la planification et aux exercices axés sur la région. 


La Russie a investi massivement, au cours de la dernière décennie, dans la modernisation de sa flotte du Nord, qui s’est vu décerner le statut de district militaire en 2021. Même si la marine russe est considérablement plus réduite qu’au cours de la guerre froide, elle reste en mesure, ont affirmé les responsables finlandais, d’appliquer le concept de défense en bastion pour les forces stratégiques présentes en mer de Barents, et de perturber les voies de communication maritimes cruciales reliant les deux rives de l’Atlantique. La guerre menée par la Russie en Ukraine n’a fait que renforcer l’importance que revêt cette région pour Moscou, tant en termes de commerce que de projection de forces. Les investissements dans les bases militaires et infrastructures portuaires présentes dans l’ensemble de l’Arctique russe sont en forte hausse depuis une décennie.


Les relations entre la Finlande et la Russie


Depuis l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, la Finlande a réévalué de façon radicale ses relations avec Moscou. Les responsables finlandais rencontrés ont admis que l’espoir de faire progressivement évoluer la Russie en tablant sur les échanges commerciaux, la coopération ou encore l’interdépendance est ténu. Plutôt que d’adhérer à un ordre fondé sur des règles, le Kremlin a opté pour une stratégie de répression lui permettant de maintenir son emprise sur le plan intérieur, pour la confrontation avec l’Occident et pour l’action militaire en tant que moyen d’exercer son influence en territoire post-soviétique. 


Pour M. Arkady Moshes, directeur de programme à l’Institut finlandais d’affaires internationales (FIIA), la stratégie de la Russie n’est certes pas toujours efficiente, mais elle n’en demeure pas moins efficace. Moscou ne cherche pas forcément à atteindre ses objectifs d’une manière qui semble rationnelle, mais parvient toutefois souvent à ses fins. M. Moshes a mis les membres de la délégation en garde, les invitant à ne pas sous-estimer la capacité du régime russe à s’adapter et à survivre, et a appelé les décideurs occidentaux à ne pas se bercer d’illusions quand ils évaluent la situation dans ce pays. 


Plusieurs intervenants ont mentionné que les sanctions décrétées à l’encontre de la Russie étaient insuffisantes, et fait remarquer que certaines entreprises occidentales continuaient de fonctionner en Russie, donnant une impression de normalité. La Finlande est parvenue à recibler son économie vers d’autres débouchés et est allée jusqu’à imposer récemment des restrictions à l’entrée des véhicules russes en territoire finlandais. Elle est par ailleurs en train de réviser ses documents stratégiques, notamment pour qu’ils prennent en compte les modifications apportées à l’évaluation de la Russie et de la menace qu’elle représente.


Matti Sarasmaa, chef de la division des gardes-frontières et des garde-côtes au ministère de I’Intérieur, a indiqué que la frontière russo-finlandaise était actuellement stable et calme, et que le nombre de franchissements illégaux restait faible. La Finlande n’en exclut pas moins d’éventuels aléas dans le futur et s’empresse de construire une nouvelle clôture qui devrait à terme s’étendre sur 200 km.


L’éducation et la mobilisation civile au service de la défense nationale


La Finlande met fortement l’accent, dans le cadre de son engagement en faveur de la défense nationale, sur l’éducation et la mobilisation civile. Ainsi, elle organise des stages sur la défense nationale destinés à former la société civile et les personnalités influentes aux questions de sécurité et à promouvoir ainsi une société éclairée et résiliente. De façon tout à fait  étonnante, diverses personnalités du secteur privé, dont certains hauts dirigeants d’entreprises, ont demandé avec enthousiasme à participer à des exercices sur le niveau de préparation, témoignant ainsi d’un sens profond du devoir civique. 


La réussite de cette initiative repose en grande partie sur la participation du secteur privé, qui occupe une place de premier plan dans le domaine des transports militaires (70 % du secteur). Cette interdépendance fait ressortir l’importance des organisations qui, comme l’Agence nationale d’approvisionnement en cas d’urgence, ont pour rôle de garantir une coopération fluide lorsque se présentent des situations d’urgence.


Au cours de la visite, les parlementaires de l’OTAN ont également entendu des exposés sur le rôle de la marine finlandaise, visité le Centre de surveillance maritime et assisté à l’entraînement de réservistes de la marine sur la base navale d’Upinniemi. Ils ont aussi rendu visite à la brigade blindée stationnée à Hämeenlinna, dans le but de se familiariser avec les matériels lourds et les systèmes de défense aérienne utilisés par la Finlande. Les délégués ont enfin entendu des exposés de Patria, une grande entreprise du secteur de la défense, qui leur a présenté ses produits phares, à savoir des véhicules blindés de transport de troupes.


La visite a par ailleurs été l’occasion d’aborder d’autres sujets de discussion, à savoir : 
•    les moyens d’approfondir la coopération et la coordination entre Alliés dans la région de la mer Baltique ;
•    le rôle de la marine finlandaise en matière de sécurité maritime, et 
•    le partenariat stratégique entre secteur privé et forces de défense finlandaises.


La délégation a également pu échanger avec les intervenants suivants : 
Ministère de la Défense
Général de corps d’armée Esa Pulkinnen, secrétaire permanent et président de la commission de la sécurité, ministère finlandais de la Défense 

Ministère de l’Intérieur
Matti Sarasmaa, chef de la division gardes-frontières et garde-côtes, ministère finlandais de I’Intérieur

Ministère des Affaires étrangères
Jukka Salovaara, secrétaire d’État permanent

Forces de défense finlandaises
Général Timo Kivinen, chef d’état-major des forces de défense finlandaises 

Marine finlandaise
Commodore Jukka Anteroinen, chef d’état-major
Capitaine Marko Laaksonen, commandant de la brigade côtière
Capitaine de frégate Matti Linteri, chef d’état-major de la brigade côtière
Capitaine de corvette Henri Koski, commandant de mouilleur de mines (classe Hämeenmaa) 

Agence nationale d’approvisionnement en cas d’urgence (NESA)
Nutti Nikula, chef Soutien stratégique 
Institut finlandais d’affaires internationales (FIIA)
Samu Paukkunen, directeur par intérim
Arkady Moshes, directeur du programme Russie, voisinage oriental de l’UE et Eurasie
Mikael Mattlin, chercheur, Sécurité et gouvernance globales
Charly Salonius-Pasternak, chercheur principal, Centre sur la politique et la puissance des États-Unis 

La délégation a également été reçue par Jussi Halla-Aho, président du Parlement de Finlande.

Le programme de la visite comportait aussi un échange de vues avec les personnes ci-après, membres de la commission de la défense et de la délégation de la Finlande auprès de l’AP-OTAN :  

Jukka Kopra
Tomi Immonen
Mikko Savola
Atte Harjanne
Harry Harkimo

 


Photos of the visit © Finnish Defence Forces

Lire aussi

SEE MORE