Le Canada intensifie sa contribution à la sécurité des Alliés dans un nouvel environnement de sécurité

04 mai 2023

L’évolution spectaculaire de l’environnement de sécurité mondial incite les décideurs canadiens à revoir la posture de défense du pays et à renforcer la coopération avec les partenaires afin de contrer les offensives autoritaires contre l’ordre international fondé sur des règles. Aujourd’hui, le Canada doit relever les défis de la croissance et de l’orientation de ses capacités et ressources de défense, tout en essayant de tirer parti de sa base technologique dynamique. 

Alors que la sphère euro-atlantique traverse en ce moment une crise, le Canada a choisi de soutenir directement les Alliés et son partenaire ukrainien, ce qui s’est clairement ressenti quand le Canada a accepté d’endosser le rôle de pays chef de file du groupement tactique multinational en Lettonie, le long du flanc est de l’OTAN. Parallèlement, ses efforts diplomatiques, économiques et humanitaires ont permis d’apporter une aide opportune à l’Ukraine au moment où elle en avait le plus besoin. Le Canada soutient pleinement la légitime défense de l’Ukraine et estime que le pays est appelé à devenir un membre solide de la communauté euro-atlantique. Du fait de son engagement profond en faveur des valeurs démocratiques, le Canada est aussi un ardent défenseur des droits humains et du droit international à l’échelle mondiale. Le pays considère qu’il a un rôle à jouer, de concert avec les Alliés, dans la lutte contre la mésinformation et la désinformation, qui sont utilisées aux fins de saper ces valeurs démocratiques. 

Tels sont les principaux enseignements de la visite d’une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) au Canada du 17 au 21 avril. Quelque 35 législateurs nationaux de 14 États membres de l’OTAN – représentant la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité (DSCTC) et la sous-commission sur les relations transatlantiques (PCTR) de l’Assemblée – se sont rendus à Ottawa, à Halifax et à Montréal pour échanger avec de hauts responsables du gouvernement canadien, dont la ministre de la défense nationale Anita Anand, des figures de proue parlementaires, des commandants militaires, des acteurs des industries de l’aérospatial et de la construction navale, ainsi que des experts universitaires indépendants. La délégation était dirigée par Fernando Gutierrez (Espagne), vice-président de la DSCTC, ainsi que par Lydia Mutsch (Luxembourg) et Ahmet Yildiz (Türkiye), vice-présidents de la PCTR, et a été accueillie par la délégation canadienne auprès de l’AP-OTAN dirigée par Julie Dzerowicz, ancienne vice-présidente de l’AP-OTAN. 

Le Canada, l’OTAN et l’adaptation de la défense

Le Canada est un membre incontournable de l’OTAN. Sa grande implication dans les opérations de l’Alliance est la preuve de son orientation euro-atlantique. En réponse à la menace croissante de la Russie après l’invasion initiale de l’Ukraine en 2014, le Canada a lancé l’opération REASSURANCE et déployé environ 1 000 militaires sur le flanc est de l’OTAN. Le pays a dirigé un groupement tactique de l’OTAN en Lettonie, envoyé des navires de guerre en mer Baltique et en Méditerranée, et participé à une mission de la police du ciel de l’OTAN en Roumanie. Après 2016, le Canada a pris la tête du groupement tactique multinational en Lettonie, destiné à consolider l’initiative de présence avancée rehaussée de l’OTAN et donc à renforcer la défense et la dissuasion des Alliés face à la croissance de la menace russe. Les responsables canadiens ont indiqué à la délégation que, conformément aux décisions prises lors du sommet de Madrid de juin 2022, Ottawa s’est engagé à renforcer le groupement tactique pour constituer une brigade à terme. Bien que ce processus s’accompagne de défis complexes, le Canada travaille en étroite collaboration avec le pays hôte et les neuf autres Alliés impliqués dans le groupement tactique afin d’atteindre cet objectif.

La délégation de l’Assemblée a appris qu’au cours des dernières années, le Canada a augmenté lentement, mais régulièrement ses dépenses de défense, celles-ci passant de moins de 1 % du PIB en 2014 à 1,3 % du PIB aujourd’hui. Bien que ce pourcentage reste inférieur à l’objectif de 2 % fixé par l’engagement en matière d’investissements de défense de l’OTAN, le Canada – neuvième puissance économique mondiale – est le sixième pays de l’Alliance en termes de dépenses militaires en valeur absolue. Les responsables ont indiqué que le Canada a déjà augmenté son budget de défense de plus de 70 % depuis 2015 et va continuer à accroître ses investissements en la matière, de manière responsable et en étroite collaboration avec l’industrie de la défense afin que les fonds supplémentaires soient dépensés de façon productive.

Tout au long de la visite, les responsables canadiens et les experts indépendants ont confirmé l’absence de consensus parmi les décideurs canadiens quant au délai dont le pays aura besoin pour atteindre l’objectif des 2 %. Certains intervenants ont exhorté les autorités à accélérer le renforcement du pilier militaire de la stratégie de sécurité canadienne, qui repose aussi sur une longue tradition de diplomatie et de recours à d’autres instruments non militaires. Ils ont fait valoir que les moyens militaires relativement modestes et vieillissants du Canada étaient trop éparpillés compte tenu de la vaste zone de responsabilité du pays – dont le littoral, qui borde trois grands océans, est le plus long au monde – et de la dangereuse confluence des défis mondiaux.

Néanmoins, comme la délégation l’a appris, le Canada a pris plusieurs mesures importantes et substantielles afin d’augmenter ses capacités militaires ces dernières années. 

Premièrement, pour conserver son statut de grande puissance navale, le Canada met en œuvre depuis 2012 une stratégie nationale de construction navale conçue pour éviter les cycles de forte demande et d’inactivité et pour entretenir des capacités et un savoir-faire constants en matière de construction navale sur plusieurs sites au Canada. Dans le cadre de cette stratégie, le Canada prévoit de remplacer ses 12 frégates de classe Halifax – l’épine dorsale de la Marine royale canadienne (MRC) – ainsi que ses destroyers déjà hors service par 15 plateformes avancées de combat de surface (CSC), qui seront construites sur le chantier naval Irving, à Halifax, d’ici 2050. Il s’agit du plus important projet d’acquisition d’équipements de défense de l’histoire du Canada. Ce chantier naval est sur le point d’achever la construction de huit navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique modernes et résistants aux glaces pour la MRC et la garde côtière. La délégation de l’Assemblée a eu l’occasion de visiter la principale base navale du Canada à Halifax, qui abrite sept des douze frégates canadiennes ainsi que le chantier naval Irving. 

Deuxièmement, le Canada va investir environ 40 milliards de dollars canadiens pour renforcer la défense continentale au cours des 20 prochaines années, en mettant l’accent sur la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), l’organisation binationale chargée de l’alerte précoce dans les domaines aérospatial et maritime et du contrôle aérospatial pour le Canada et les États-Unis. Ce renforcement inclura la modernisation des radars et autres capteurs ainsi que celle de la composante satellite du NORAD. Le Canada va aussi faire l’acquisition de 88 avions de chasse F-35 pour permettre à l’Aviation royale canadienne de remplir ses obligations, notamment envers l’OTAN et le NORAD.

Le Canada envisage également de modifier d’autres lignes de défense, en tenant compte des premiers enseignements tirés de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui ont notamment mis en évidence l’importance des frappes de précision à longue portée, d’un commandement et d’un contrôle robustes, d’une sensibilisation dans tous les domaines, des équipements sans pilote, de la numérisation, de la disponibilité de munitions en quantité suffisante et de la solidité de la maintenance et de la logistique. Alors qu’il faudra des années pour que de nouvelles plateformes soient disponibles, l’industrie de la défense canadienne cherche des moyens créatifs de prolonger la durée de vie des plateformes plus anciennes, comme ses frégates et ses hélicoptères, et de les moderniser. À Montréal, les dirigeants de Bombardier, la principale entreprise aérospatiale du Canada, ont expliqué à la délégation comment, grâce à des performances supérieures en termes de vitesse et d’altitude, les avions d’affaires comme le Global 6500 sont polyvalents et s’adaptent aux clients du secteur de la défense, avec des modèles conçus pour la reconnaissance et la surveillance ou encore pour l’évacuation médicale. 

Dans le cadre de ses efforts pour promouvoir l’innovation dans la défense et s’attaquer aux technologies de rupture, le Canada accueillera le bureau régional nord-américain de la nouvelle initiative de l’OTAN : l’Accélérateur OTAN d’innovation de défense pour l’Atlantique Nord (DIANA). Les membres de la délégation ont appris que les préparatifs de l’ouverture du bureau à Halifax étaient en cours.

Les forces armées canadiennes font face à une pénurie de personnel et cherchent à encourager les jeunes à s’engager et à faire carrière dans ce secteur par des moyens créatifs, notamment en favorisant un meilleur équilibre entre les genres et une plus grande diversité dans leurs rangs. Le Canada est un ardent défenseur du programme pour les femmes, la paix et la sécurité (FPS) et soutient l’intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques et les institutions de l’OTAN, fermement convaincu que cela renforcera l’OTAN et contribuera à la paix.

Soutien du Canada à l’Ukraine

Le Canada, qui abrite la plus grande diaspora ukrainienne en dehors de la Russie, est uni dans sa solidarité sans faille envers l’Ukraine. Les décideurs canadiens ont souligné qu’il relevait du devoir moral de leur pays de soutenir un pays démocratique brutalement attaqué par une puissance autoritaire extérieure qui continue de causer de terribles souffrances et a commis de nombreux crimes de guerre sur le territoire attaqué. Les dirigeants politiques canadiens s’accordent à dire qu’ils doivent faire tout ce qu’ils peuvent, aussi longtemps qu’il le faudra, pour soutenir l’Ukraine. 

Ce soutien est antérieur à l’invasion russe à grande échelle de 2022. Depuis 2015, le Canada mène une mission de formation continue des forces armées ukrainiennes. Depuis début 2022, le Canada a fourni à l’Ukraine une aide d’une valeur de plus de 8 milliards de dollars canadiens, dont environ 1 milliard sous forme d’aide militaire. Récemment, le Canada s’est engagé à envoyer huit chars Leopard 2 à l’Ukraine. 

Les responsables canadiens ont fait valoir que le soutien à l’Ukraine devait être une priorité absolue du prochain sommet de l’OTAN à Vilnius. Ils en ont appelé à un soutien institutionnalisé à long terme et à plusieurs niveaux, destiné à faire comprendre à la Russie que la poursuite de l’agression coûterait très cher. Les Alliés doivent fournir à l’Ukraine ce dont elle a un besoin urgent, mais aussi s’engager à maintenir et à élargir leur soutien après la guerre. Plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que le futur cadre de sécurité devait inclure l’Ukraine en tant que membre à part entière de l’OTAN. 

Le Canada et la sécurité dans l’Arctique

L’Arctique abrite 40 % des masses terrestres du Canada. Les populations autochtones représentent la majorité des habitants de cette région, dans laquelle le Canada a tout intérêt à maintenir la paix. Toutefois, l’évolution du climat – qui fait se réchauffer l’Arctique quatre fois plus vite que le reste de la planète – et l’exacerbation de la rivalité entre les grandes puissances amènent Ottawa à repenser sa stratégie pour l’Arctique. L’expansion de la présence militaire russe dans l’Arctique est une grande source de préoccupation. En tant que puissance autoproclamée « proche de l’Arctique », la Chine cherche également à jouer un rôle dans cette région riche en ressources et de plus en plus navigable en raison du recul de la glace. Un expert canadien a averti que la Russie, jusqu’alors peu encline à faciliter la présence chinoise dans l’Arctique, pourrait être amenée à revoir cette politique étant donné que la dépendance de Moscou à l’égard de Pékin grandit à mesure que la guerre contre Ukraine se prolonge et devient de plus en plus coûteuse. Le réchauffement de l’Arctique ouvre également de nouvelles perspectives pour la navigation, l’extraction des ressources et le tourisme. 

Les activités civiles et militaires dans l’Arctique étant appelées à se développer. Le Canada envisage d’effectuer de nouveaux investissements dans les infrastructures (gravement touchées par la fonte du pergélisol) ainsi que dans le renforcement des capacités défensives et de recherche et sauvetage (SAR), notamment en modernisant la flotte vieillissante de briseglaces et les hélicoptères SAR, en plus des projets de modernisation du NORAD mentionnés ci-dessus. Ottawa se réjouit aussi de l’intérêt accru de l’OTAN pour le Grand Nord européen et la région nord-américaine de l’Arctique, la récente visite du secrétaire général Jens Stoltenberg dans l’Arctique canadien étant emblématique à cet égard. Tout au long de la visite de la délégation de l’AP-OTAN, les décideurs canadiens se sont félicités de l’adhésion de la Finlande à l’OTAN et ont appelé à une finalisation rapide du processus d’adhésion de la Suède.

Le Canada est à l’avant-garde des efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique et s’est engagé à atteindre zéro émission nette d’ici 2050. La délégation a été informée de la contribution de l’industrie de la défense canadienne à ces efforts, notamment via la transition vers des carburants durables. Par ailleurs, le Canada accueillera un centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité, accrédité par l’OTAN, qui devrait voir le jour prochainement à Montréal.

La stratégie indo-pacifique du Canada

Le Canada est un pays du Pacifique qui entretient des liens économiques et interpersonnels étroits avec la région indo-pacifique. Comme l’a souligné un intervenant, un Canadien sur cinq a des liens avec la région Asie-Pacifique. En 2022, le pays a présenté sa stratégie indopacifique, qui tient compte du déplacement historique du centre de gravité mondial vers cette région. Près de 2,3 milliards de dollars canadiens ont été alloués à la mise en œuvre de la stratégie pour les cinq prochaines années. La stratégie comporte une vision très nette de la position canadienne vis-à-vis de la Chine, basée sur le principe que le Canada doit « s’opposer à la Chine quand cela est préférable, mais coopérer avec elle quand cela est nécessaire ». Les intervenants canadiens ont exprimé leur profonde inquiétude face à la stratégie de la corde raide de la Chine dans la région, notamment suite au durcissement de la position de Beijing à l’égard de Taïwan et à ses actions ouvertement hostiles sur la scène internationale : espionnage, cyberopérations malveillantes, vol de propriété intellectuelle, intimidation des politiques nationales d’autres pays et ingérences dans celles-ci. En tant que démocratie, le Canada est très critique vis-à-vis de l’autoritarisme croissant de la Chine et de son manque de respect pour les droits humains. Les membres de la délégation ont noté que l’opinion publique canadienne envers le régime chinois était devenue très négative ces dernières années.

Le Canada a commencé à intensifier ses investissements dans la résilience économique et technologique et à repenser ses chaînes d’approvisionnement. Il a renforcé sa présence navale dans la région indo-pacifique par le biais de l’opération PROJECTION qui vise à promouvoir l’ordre international fondé sur des règles au moyen d’exercices navals et en développant ses relations avec ses partenaires de sécurité. Le Canada mène également une mission maritime destinée à faire respecter les sanctions imposées par l’ONU à l’encontre de la Corée du Nord. Cependant, dans l’ensemble, la stratégie indo-pacifique du Canada reste principalement non militaire et se concentre sur les contacts diplomatiques, économiques, commerciaux et interpersonnels. 

Les décideurs canadiens seront confrontés à des questions importantes lors de la mise en œuvre de la stratégie. Par exemple, comment lutter contre l’assertivité de la Chine tout en maintenant des relations commerciales étroites avec elle, ou encore, comment s’impliquer dans des initiatives régionales émergentes comme l’accord AUKUS (Australie, Royaume-Uni et États-Unis) ou le dialogue quadrilatéral de sécurité (Australie, Inde, Japon et États-Unis) ?

Outre les responsables et les institutions mentionnés ci-dessus, la délégation a visité l’IMP Aerospace & Defence à Halifax, ainsi que le CAE et la Max Bell School of Public Policy de l’Université McGill à Montréal. Les parlementaires de l’OTAN ont eu le privilège de rencontrer l’honorable Anthony Rota, président de la Chambre des communes, et l’honorable Arthur J. LeBlanc, lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse.


Photos de la visite gracieusement fournies par © Parlement du Canada 2023 © Lieutenant-Gouverneur de la Nouvelle-Écosse

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