Le Royaume-Uni se positionne en tant qu’acteur incontournable de la nouvelle posture de défense et de dissuasion de l’OTAN

13 février 2023

Le Royaume-Uni joue un rôle central dans la sécurité de la zone euro-atlantique et mondiale.  Pendant la période précédant l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie en l’absence de toute provocation en février dernier, et immédiatement après celle-ci, les forces britanniques se sont rapidement jointes aux troupes de l’OTAN venues renforcer le flanc oriental de l’Alliance. Le Royaume-Uni entend également jouer un rôle de premier plan dans le processus d’adaptation et de mise en œuvre de la nouvelle posture de dissuasion et de défense de l’OTAN, notamment en adoptant un nouveau modèle de forces venant appuyer la nouvelle politique de dissuasion et de défense de avant en réaction à l’agression russe.

Pour s’informer plus en détail au sujet des engagements et des investissements pris de façon individuelle par le Royaume-Uni, ainsi que sur le rôle qu’il joue dans les efforts de sécurité et de défense de l’Alliance, une délégation de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense (DSCFC) s’est rendue à Londres, Glasgow et Édimbourg du 31 janvier au 3 février. La délégation était menée par Alec Shelbrooke, chef de la délégation britannique auprès de  l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) et président de la commission de la défense et de la sécurité. Elle était composée de 19 parlementaires issus de 10 États membres de l’OTAN et de la Suède.

S'engager pleinement pour l’Ukraine

Comme l’a expliqué Leo Docherty, sous-secrétaire d’État chargé de l’Europe et de l’Amérique du Nord, soutenir le droit souverain et légitime de l’Ukraine à défendre l’intégrité de son territoire à l’intérieur de ses frontières reconnues est l’une des priorités de la politique britannique actuelle. En envoyant plusieurs milliers de missiles antichar NLAW juste avant l’invasion russe, le Royaume-Uni a été le premier pays européen à fournir une aide létale à l’Ukraine. Un an après le début de la guerre, le pays est le deuxième fournisseur d’aide militaire à l’Ukraine derrière les États-Unis. Le soutien militaire, humanitaire et financier qu’il a apporté à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe il y a un an représente près de 4 milliards de livres sterling. 

D’après les représentants du ministère de la défense, le Royaume-Uni œuvre sans relâche à accélérer et augmenter ses livraisons en Ukraine. Les efforts actuels visent à renforcer et étendre les capacités interarmes lourdes de l’Ukraine. En promettant la livraison de 14 Challenger 2s, le Royaume-Uni a été le premier Allié à envoyer des chars de combat. La liste des équipements létaux envoyés par le Royaume-Uni comprend également, entre autres, plusieurs centaines de véhicules blindés de patrouille, du matériel et des munitions d’artillerie (canons et roquettes) ainsi que des systèmes de défense aérienne et antimissile. En outre, le Royaume-Uni dirige la principale initiative de formation des forces ukrainiennes, l’opération Interflex, qui a formé 10 000 soldats en 2022 et devrait en former au moins deux fois plus en 2023. « L’objectif principal est clair : aider l’Ukraine à libérer son territoire occupé », a expliqué M. Docherty à la délégation.

L'importante assistance fournie par le Royaume-Uni à l’Ukraine pour résister à l’agression russe s’inscrit dans un élan que partagent les autres États membres de l’OTAN ainsi que de nombreux partenaires internationaux. Près d’un an après le début de la guerre, les Alliés continuent à faire preuve d’une unité remarquable en réaction à l’agression russe. Cette unité a permis d’établir une réponse politique forte et innovante, comme le prouvent la livraison continue d’aide militaire à l’Ukraine et l’imposition de vastes sanctions contre la Russie, y compris, récemment, le plafonnement du prix du pétrole. Il est crucial de maintenir ce soutien, ont rappelé plusieurs représentants. Pour cela, il faut notamment rassembler un soutien fort derrière les initiatives prises au sommet de l’OTAN à Madrid.

Un pilier du nouveau modèle de forces de l’OTAN

Les représentants du gouvernement britannique l’ont affirmé sans détour : l’OTAN est la pierre angulaire de la politique de défense et de sécurité du Royaume-Uni. La force de dissuasion nucléaire stratégique continue en mer du Royaume-Uni ainsi que le nouveau porte-avion britannique sont rattachés à l’OTAN. À travers ses investissements, sa structure et ses déploiements, le Royaume-Uni entend améliorer l’interopérabilité des Alliés tout en œuvrant en faveur de la défense et de la dissuasion.

Toutefois, l’invasion de l’Ukraine par la Russie pousse le Royaume-Uni à revoir ses politiques et ses priorités en matière de défense. Parmi ces dernières, on peut citer le soutien aux nouvelles initiatives d’adaptation de l’OTAN, en particulier tout au long du flanc est  et dans les eaux de la mer Baltique, de l’Atlantique Nord et du Grand Nord, où le Royaume-Uni s’attend à jouer un rôle de premier plan.

Au sein de l’Alliance, le Royaume-Uni endosse déjà un rôle de premier plan dans la défense du flanc nord-est de l’OTAN. Depuis l’annexion illégale de la Crimée en 2014, il investit fortement dans les efforts de renforcement et de consolidation de la région. Plus visiblement, il sert de pays-cadre au groupement tactique multinational en Estonie et dirige la Force expéditionnaire conjointe (JEF) aux côtés des Alliés et partenaires nordiques et baltes. En outre, le Royaume-Uni a augmenté la fréquence de ses patrouilles aériennes et maritimes dans la Baltique. Les représentants du ministère de la défense britannique ont précisé que la proposition d’adhésion de la Suède et de la Finlande était « essentielle » pour l’avenir de l’OTAN. Comme l’a formulé l’un d’entre eux, « les Alliés doivent se réunir à 32 à Vilnius ».

Assurer la surveillance des mers stratégiques de l’OTAN

Volet moins connu du renforcement du flanc est  de l’OTAN, la réponse maritime de grande envergure menée par les Alliés n’en est pas moins importante. Les forces navales permanentes de l’OTAN (SNF) fonctionnent à plein régime pour la première fois depuis 30 ans. Avec ses 50 navires – parmi lesquels des frégates, des destroyers et des dragueurs de mines –, l’OTAN possède la deuxième flotte de l’Alliance derrière les États-Unis, ont expliqué des représentants du Commandement maritime allié (MARCOM) de l’OTAN à la délégation.

Le commandant du MARCOM, le vice-amiral Mike Utley, a déclaré que, dans une politique de défense en avant active, les mers stratégiques de l’Alliance allaient jouer un rôle plus important. Les Alliés vont devoir continuer à déployer leurs moyens maritimes en avant et à les partager avec l’OTAN afin d’augmenter leur présence dans ce milieu. Comme l’explique Sidharth Kaushal, expert au Royal United Services Institute (RUSI), « l’environnement stratégique à long terme auquel les Alliés seront confrontés sera façonné par la capacité de la Russie à exercer son contrôle ou à mettre en péril les mers stratégiques de l’Alliance ».

La capacité de la Russie à perturber les lignes de communication maritimes, à bloquer les accès à la mer et à menacer les infrastructures critiques dans les fonds marins ne fait aucun doute et représente un danger. Cette menace a été clairement mise en lumière par le sabotage du gazoduc Nord Stream 2 dans la Baltique en septembre dernier.

Surveiller davantage les fonds marins

Le Royaume-Uni est particulièrement vulnérable aux menaces portant sur les infrastructures dans les fonds marins. En effet, près de 95 % du gaz qu’il reçoit arrive par des gazoducs sous-marins et 98 % des données reçues sont transmises par des câbles sous-marins. Ces infrastructures étant relativement simples à détruire mais difficiles à remplacer, elles représentent un point de pression critique pour la Russie. La Russie investit considérablement dans des navires sous-marins capables de menacer les infrastructures sous-marines, ont expliqué les experts du RUSI à la délégation.

Pour réduire cette menace, le Royaume-Uni a augmenté ses investissements dans des moyens maritimes permettant une meilleure surveillance et défense des infrastructures critiques dans les fonds marins. Des représentants du gouvernement britannique ont notamment évoqué l’achat d’un navire de surveillance polyvalent (multi-role ocean surveillance ship, MROSS) et la construction d’un second dans les prochaines années. Le MROSS agira en tant que bateau-mère pour un ensemble de vaisseaux sans pilote et le déploiement de capteurs.

S’intéresser à la construction des forces du futur

D’après James Heappey, ministre d’État des forces armées, l’adaptation des forces armées britanniques prend en compte la défense du Royaume-Uni mais aussi, plus largement, de l’Alliance. « La réflexion militaire évolue : la guerre en Ukraine force l’ensemble des Alliés à réfléchir aux investissements nécessaires pour la construction des forces du futur », a-t-il expliqué.

M. Heappey a ajouté que la guerre en Ukraine a démontré la rapidité avec laquelle il est possible de localiser un opposant puis de le frapper avec précision. Pour cela, il faut pouvoir compter sur des réseaux C4ISR (commandement, contrôle, communication, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance) sophistiqués dans tous les domaines et investir dans l’industrie pour, d’une part, développer le type d’armes à guidage de précision nécessaires et, d’autre part, les produire en quantités suffisantes. Par ailleurs, a alerté M. Heappey, l'avance technologique des Alliés diminue, ce qui constitue un autre enjeu de taille.  . « Les Alliés doivent donc investir intelligemment pour non seulement maintenir mais aussi creuser l’écart compétitif. »

Reconnaissant que les réserves d’armes des Alliés diminuent à mesure que ceux-ci augmentent leur soutien militaire à l’Ukraine, M. Heappey remarque que les Alliés doivent soutenir leurs industries nationales en s’adaptant aux niveaux de production nécessaires. Il a demandé aux Alliés de reconnaître que la délocalisation des chaînes d’approvisionnement liées à l’industrie de la défense entraînait une vulnérabilité stratégique et les a invités à résoudre ce problème. « Nous ne pouvons plus développer des systèmes qui reposent un tant soit peu sur nos adversaires ; nous devons rapatrier toutes ces chaînes d’approvisionnement au sein de l’Alliance ou chez des partenaires de confiance », a-t-il déclaré.

Informer l’industrie des besoins à venir

En Écosse, les parlementaires ont entendu des représentants de l’industrie de la défense britannique s’exprimer sur les enseignements qu’ils ont tirés de la guerre en Ukraine en matière de production, d’innovation, de développement et de coopération. Dans les locaux de Thales UK, à Glasgow, la délégation a découvert comment les différents produits de l’entreprise ont contribué à soutenir les forces armées ukrainiennes (UAF). À titre d’exemple, les missiles légers polyvalents (LMM) et STARStreak de Thales ont, au début de la guerre, aidé l’UAF à déjouer les tentatives de prise de contrôle de l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine par la Russie. Les représentants ont remarqué que les enseignements tirés de la guerre commençaient à être intégrés à la production des systèmes d’armes existants et à la conception de nouveaux systèmes. 

Une visite à Babcock International a mis en évidence l’évolution du secteur de la construction navale britannique dans le cadre de la stratégie nationale de construction navale du Royaume-Uni. Pour assurer le succès des programmes actuels et à venir, il faut garantir un flux d’investissements financiers permettant aux acteurs du secteur d’éviter de devoir revoir leurs projets à la hausse ou à la baisse, et donc d’éviter la perte de main-d’œuvre qualifiée et de savoir-faire. En outre, il faut pouvoir compter sur la capacité de créer des initiatives internationales conjointes afin d’obtenir une échelle de production à la hauteur d’une plateforme de grande envergure.

La frégate Type 31 de Babcock a été citée comme exemple de réussite de cette approche. Grâce au financement garanti, le constructeur naval a les moyens de livrer cinq modèles Type 31 à la Royal Navy d’ici 2038. Babcock a également établi des partenariats avec d’autres pays souhaitant intégrer le modèle Type 31 à leurs forces navales. En effet, la modernité de ses systèmes de combat et de son design le rendent adaptable et exportable à travers le monde.


Autres sujets abordés lors de la visite :

  • Les capacités aérospatiales des Alliés et les conséquences stratégiques en Ukraine
  • Les ramifications politico-économiques de la guerre d’agression de la Russie en Ukraine
  • L’équilibre entre capacités souveraines et coopération de défense avec les Alliés
  • L’unité des pays occidentaux vs. les limites de la puissance russe
  • Les partenariats mondiaux et les enjeux maritimes des Alliés dans le monde

La délégation a également rencontré les interlocuteurs suivants :

Ministère britannique de la défense

  • Damian Parmenter, directeur général, stratégie industrielle, ministère de la défense
  • Anthony Rimington, directeur de la politique,stratégique de la Marine britannique, ministère de la défense
  • Matt Baugh, directeur de la politique euro-atlantique, bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement

Groupes de réflexion et universitaires

  • Douglas Barrie, chercheur principal en aéronautique militaire, International Institute for Strategic Studies (IISS)
  • Nigel Gould-Davies, éditeur de Strategic Survey et chercheur principal sur la Russie et l’Eurasie, IISS
  • Nick Childs, chercheur principal sur les forces navales et la sécurité maritime, IISS
  • Sidharth Kaushal, chercheur associé sur les puissances maritimes, RUSI
  • Dr Paul GK Little, principal et PDG de City of Glasgow College 

La délégation a également échangé avec plusieurs membres du comité restreint de défense de la Chambre des communes

  • Tobias Ellwood, président, comité restreint de défense
  • Dave Doogan
  • Sarah Atherton
  • Emma Lewell-Buck
  • Gavin Robinson
  • John Spellar

Au MARCOM de l’OTAN, les parlementaires ont également eu l’opportunité de visiter le centre opérationnel maritime. La visite de la DSCFC s’est conclue par un salut à bord du HMS Prince of Wales, porte-avion britannique symbole du rôle continu joué par le Royaume-Uni dans les affaires maritimes internationales.


Photos de la visite

Lire aussi

SEE MORE