L’Islande, seul Allié à ne pas posséder de forces armées permanentes, compte sur la coopération internationale pour sa sécurité. Elle fait partie des membres fondateurs de l’OTAN et apporte une contribution – notamment financière – considérable à la conduite des politiques et des opérations alliées. L’OTAN est également autorisée à utiliser le territoire islandais pour des exercices et des activités d’entraînement. Outre qu’elle est un des plus ardents partisans de l’Organisation, l’Islande dispose de capacités et de ressources uniques en leur genre et importantes pour la sécurité alliée au sens large dans des domaines tels que la sécurité énergétique, l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ce phénomène, l’océanographie arctique, les télécommunications numériques et le stockage de données.
Ainsi que l’a souligné le président de l’Islande, Guðni Th. Jóhannesson, lors de sa rencontre avec la délégation de la sous-commission sur les tendances technologiques et la sécurité (STCTTS) de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, « la sécurité de cette île est tributaire de la sécurité d’autres pays ». M. Jóhannesson a fait observer que, d’un point de vue historique, l’Islande s’était toujours tenue à l’écart des grands conflits mondiaux ; toutefois, elle est de plus en plus concernée par les événements extérieurs à la région et par l’intérêt croissant que des acteurs tels que la Russie ou la Chine manifestent pour l’Arctique, ce qui l’amène à s’intéresser plus directement aux questions de sécurité.
Conséquences de la guerre russe en Ukraine pour l’Islande et la sécurité de la région arctique
Non seulement la guerre illégale déclenchée par la Russie contre l’Ukraine en l’absence de la moindre provocation a-t-elle fondamentalement altéré la sécurité de la communauté transatlantique, mais elle a placé celle de l’Arctique au centre des débats entre Alliés. Les changements survenus dans l’environnement sécuritaire transatlantique et le regain d’attention que la région suscite dans le monde entier ont, par la même occasion, ravivé l’intérêt des autorités islandaises pour la sécurité en général et ont incité celles-ci à remanier en 2023 la stratégie nationale de sécurité. La nouvelle version, qui met avant tout l’accent sur la résilience et les activités du secteur civil, témoigne de l’attachement que l’Islande continue à porter à une conception holistique des questions de sécurité. Les fluctuations des menaces et des préoccupations d’ordre sécuritaire se répercutent sur l’opinion publique islandaise et sur la manière dont le gouvernement considère les affaires internationales.
Les poutres maîtresses de la sécurité de l’Islande ont toujours été l’appartenance du pays à l’OTAN et l’accord bilatéral conclu avec les États-Unis. Cependant, la vision islandaise de la sécurité est d’une portée et d’une exhaustivité sans pareilles : tout en s’appuyant fortement sur la coopération interalliée et régionale, elle insiste aussi sur le rôle essentiel des civils dans l’exécution des tâches relevant de la sécurité intérieure, telle la protection des infrastructures vitales. La délégation a donc écouté avec beaucoup d’attention les exposés de divers spécialistes sur les câbles sous-marins, les réseaux cybernétiques et les robots sous-marins autonomes (AUV).
Au fil de réunions organisées à Reykjavik et dans ses environs, la délégation a pu recueillir auprès d’experts en tout genre des secteurs public et privé des informations de première main sur de nombreux sujets et, notamment, sur des questions à propos desquelles les Islandais nourrissent un point de vue qui leur est éminemment propre, compte tenu de la taille relativement petite du pays et de sa position stratégique de maillon entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Ainsi, le respect du droit international et des valeurs démocratiques a une résonance particulière pour la sécurité islandaise, dès lors une politique étrangère reposant sur « la raison du plus fort » constituerait une menace existentielle pour un pays isolé et de faible taille comme l’Islande. Les autorités restent donc tout à fait déterminées à défendre ces valeurs et à contribuer à la sécurité internationale, plus spécifiquement en favorisant un approfondissement de la coopération transatlantique et arctique.
La nécessité de protéger les infrastructures vitales
L’Islande assume une fonction cruciale dans la connexion de l’Europe à l’Amérique du Nord via des infrastructures civiles et dans l’acheminement de télécommunications par des câbles sous-marins. La préservation de ces infrastructures est depuis longtemps une priorité pour l’Islande, d’autant que le pays dépend entièrement de ces câbles pour garantir une connectivité des données ininterrompue. Cela exige toutefois une collaboration constante entre les secteurs public et privé et la coopération de la communauté internationale, l’objectif étant de protéger et de garantir cette connectivité. La surveillance active des réseaux de câbles dépend de multiples acteurs et, sur le plan technologique, de l’utilisation d’AUV pour d’indispensables opérations de contrôle des fonds marins : ces AUV sont le seul moyen efficace et rentable d’assurer en permanence une numérisation et une inspection sous-marines.
L’Islande a constaté une multiplication sans précédent des attaques dirigées contre ses réseaux cybernétiques pendant plusieurs années d’affilée et s’est donc employée à réduire son délai de réaction, à améliorer ses mécanismes de coordination et à accroître la résilience de la population face à cette tendance. Dans le domaine cybernétique comme dans d’autres, la coopération entre pays nordiques s’est intensifiée ces dernières années. Qui plus est, ce domaine ne cesse d’être refaçonné par une intelligence artificielle (IA) qui, entre autres choses, modifie la nature des cyberattaques visant populations civiles et infrastructures vitales. Plusieurs spécialistes ont expliqué que le rythme auquel évoluaient l’IA et l’informatique quantique continuerait à poser de sérieux problèmes et qu’il était absolument prioritaire de veiller à ce que les populations soient informées et résilientes.
Islande : une « électricité verte par défaut »
Si l’Islande doit compter sur d’autres pour garantir la continuité de la connectivité numérique, elle est en revanche essentiellement autonome sur le plan de l’énergie. Les spécialistes parlent d’« électricité verte par défaut » et c’est l’une des raisons pour lesquelles le pays est devenu une plate-forme de stockage de données : l’électricité y est relativement bon marché, surtout par comparaison avec l’Europe continentale. Une visite de la centrale de Hellisheiði a permis à la délégation de recueillir de précieux renseignements sur le processus de production d’électricité verte grâce à la puissance géothermique. Le ministre de l’Environnement, de l’Énergie et du Climat, Guðlaugur Þór Þórðarson, a présenté un exposé très complet sur l’histoire de l’énergie en Islande et sur le rapide passage aux sources d’énergie renouvelable, qui pourvoient désormais à 80 % des besoins nationaux. Les autorités ont également fixé des objectifs ambitieux quant à l’écologisation du secteur des transports, qui est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre. Tout en reconnaissant que bon nombre des techniques utilisées en Islande pourraient être adoptées ailleurs, les interlocuteurs de la délégation ont rappelé qu’il n’existait pas, s’agissant d’indépendance énergétique, de solution ou de méthode unique et valable pour tous les pays.
Autre grand sujet inscrit à l’ordre du jour de la visite de la délégation : la priorité accordée par l’Islande à la valorisation de ses exceptionnelles ressources. Les membres de la délégation ont ainsi entendu des exposés sur les techniques de développement durable et sur le captage, l’utilisation et l’élimination du dioxyde de carbone. Les spécialistes islandais ont constamment fait observer qu’une meilleure compréhension de la nature permettait une exploitation plus efficace et plus effective des ressources. Indépendamment de ses applications au secteur énergétique, ce principe a été souligné lors de discussions sur l’acidification des océans, l’un des problèmes majeurs qui se posent actuellement dans le Grand Nord. Comme dans le domaine cybernétique, la rapidité avec laquelle l’écosystème océanique se modifie est une source d’inquiétude.
Coopération dans la région arctique
L’environnement arctique est aussi en train de changer eu égard à la coopération internationale et, surtout, régionale. Le Conseil de l’Arctique, créé en 1996, a longtemps été un modèle de coopération entre États. Or, précisément, la coopération dans la région arctique s’est détériorée, ce qui s’explique principalement par le désengagement de la Russie, amorcé bien avant la nouvelle invasion de l’Ukraine. Bien que les sept autres membres du Conseil continuent à se réunir de manière informelle, les agissements de Moscou compromettent le bon fonctionnement du processus décisionnel collectif touchant à la navigation et à l’exploitation minière. Des spécialistes ont appelé l’attention de la délégation sur les débats en cours autour de l’exploitation minière des fonds sous-marins dans l’Arctique, question controversée qui se pose depuis bien des années et dont le caractère polémique est encore accentué par les effets déjà visibles du changement climatique.
Outre l’amélioration des mécanismes de coopération internationale, un aspect majeur de l’élaboration de futures ripostes au changement climatique sera fonction de l’encouragement de l’innovation par l’éducation et de l’appropriation de nouvelles compétences industrielles fondées sur la connaissance. L’environnement de l’innovation s’étend rapidement en Islande, mais il est rare que la population bénéficie directement des avancées technologiques accomplies par des entreprises de plus en plus nombreuses à s’installer dans le pays. Pendant ce temps, le système éducatif national manque des ressources sans lesquelles il est impossible de former les Islandais suffisamment vite pour leur éviter d’accuser du retard dans les secteurs de compétence reposant sur la technologie. La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Science et de l’Innovation, Áslaug Arna Sigurbjörnsdóttir, a insisté sur la nécessité d’agir plus énergiquement pour former, attirer et retenir les talents en Islande. Au cours des discussions, les participants ont également soulevé la question de l’« exode des cerveaux » et des diverses façons dont ce phénomène s’était répercuté dans leurs pays respectifs.
Le séjour de la délégation s’est achevé par la visite de la station navale aérienne de Keflavik, qui est placée sus la responsabilité de la Garde-côtes d’Islande. Des exposés ont éclairé les parlementaires sur la contribution notable de la station au dispositif de surveillance aérienne, de même que sur les moyens radar considérables de l’Islande. Les interlocuteurs de la délégation ont souligné par ailleurs le rôle grandissant du pays dans la surveillance maritime et la coordination de plus en plus étroite entre Keflavik et la Structure de commandement de l’OTAN (NCS).
Durant sa visite de trois jours, la délégation a bénéficié de la généreuse hospitalité de l’AlÞing, le Parlement islandais, dont elle a rencontré le président, Birgir Ármannsson. Conduite par le président de la STCTTS, Kevan Jones (UK), la délégation se composait de 15 membres représentant 13 pays.
Photos de la visite gracieusement fournie par © Alþingi Photo