Visite en Lituanie : les législateurs de l’AP-OTAN placent la crise migratoire au cœur de leurs débats

10 novembre 2021

Une très grave crise secoue actuellement la Lituanie, la Lettonie et la Pologne sur fond de conflit migratoire et frontalier avec le Bélarus. Le régime dictatorial d’Alexandre Loukachenko exploite en effet cyniquement les espoirs de migrants venant principalement du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Afghanistan en les poussant vers les frontières de l’Union européenne dès leur arrivée à Minsk. 

Le jour d'après que ce conflit frontalier ait poussé Vilnius à décréter l’état d’urgence, le ministre lituanien des affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, a laissé entendre à une délégation en visite de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN qu’Alexandre Loukachenko poursuivait des stratégies dangereuses et provocatrices. Selon lui, il cherche, d’une part, à détourner l’attention portée sur les dégâts infligés par son gouvernement à sa propre population et de l’autre, il tente d’exercer une pression sur la communauté internationale afin de voir lever les sanctions imposées sur son régime. « Avant l’été, nous n’avions pas réalisé qu’une instrumentalisation de la migration était possible. Il nous a fallu un peu de temps pour comprendre qu’il s’agissait en fait d’une attaque hybride dirigée contre notre pays », a indiqué M. Landsbergis. 

S’adressant à la délégation, le ministre a ajouté qu’il serait primordial d’intensifier la coopération avec les Alliés dans le but de contrer ce type d’agissements. Selon lui, « aujourd’hui, c’est la Lituanie qui est confrontée à ces menaces hybrides [...] Mais, demain, ce sera le tour d’autres pays ». À ses yeux, cette expérience a renforcé la solidarité de la Lituanie envers ses alliés du Sud qui ont, des années durant, rencontré des problèmes semblables. 

À l’occasion de cette rencontre, M. Landsbergis a également évoqué les tensions existant actuellement avec la Chine. La Lituanie a en effet récemment resserré ses liens commerciaux avec Taiwan, au grand dam de Pékin qui a riposté à ce rapprochement en imposant en retour des sanctions à la Lituanie. Cette tentative de coercition s’inscrit dans un effort plus large de la Chine visant à isoler et intimider les démocraties à travers le monde.  

« Nous nous engageons à étoffer nos relations avec les pays d’Asie qui partagent notre vision », a expliqué le ministre lituanien. « Ainsi, lorsque les autorités chinoises nous accusent de franchir la ligne rouge, nous, nous répondons que ce sont elles qui déplacent cette ligne rouge »  dans le but de faire trébucher d’autres pays. Aussi s’agit-il d’un test, non seulement pour la Lituanie, mais aussi pour les pays démocratiques tout autour du globe », a-t-il conclu. 

Au fil des réunions organisées à Vilnius, d’autres intervenants se sont attardés sur la situation nationale préoccupante au Bélarus. « M. Loukachenko martèle que personne ne se soucie de la population bélarussienne », a déclaré le porte-parole de l’opposition bélarussienne Franak Viacorka devant les membres de la délégation. « Cependant, les États démocratiques peuvent prouver que c’est faux. Nous pouvons montrer qu’il est possible pour le Bélarus d’être un pays où il fait bon vivre, pour nous et pour les générations futures. »

Des propos qui font écho à ceux de Vytis Jurkonis, directeur de projet au sein du bureau lituanien de la Freedom House, basé à Vilnius. D’après lui, les Alliés ont un rôle primordial à jouer dans le maintien des pressions à l’encontre du régime dictatorial bélarussien et ce, sous la forme de sanctions. 

Interrogé sur la recommandation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN de mettre sur pied un centre pour la résilience démocratique au siège de l’OTAN, M. Jurkonis a répondu : « J’adore l’idée. Nous plaçons souvent la démocratie et les droits humains en cinquième ou sixième position sur notre liste de priorités. Ils devraient pourtant être au cœur de nos préoccupations. Si nous ne démontrons pas maintenant notre volonté politique de protéger la démocratie, nous en payerons un plus lourd tribut plus tard. »

Les délégués présents se sont également entretenus sur les retombées économiques de la pandémie de Covid-19 en Lituanie ainsi que sur sa stratégie de développement pour l’avenir. La ministre lituanienne de l’Économie et de l’Innovation, Ausrine Armonaite, a fait savoir aux parlementaires que l’économie de son pays avait surmonté les répercussions de la crise sanitaire de façon remarquable, tant et si bien qu’elle anticipe un taux de croissance à 4,4 % en 2021. Dans ce contexte, la biotechnologie est particulièrement prometteuse. Selon Mme Armonaite, la Lituanie profite déjà grandement de ce secteur. De même, le rôle des infrastructures de biotechnologie ne fera que gagner en importance au cours des dix prochaines années. 

En outre, la ministre lituanienne a aussi tenu la délégation informée des progrès accomplis par le pays dans le but d’accueillir les sociétés bélarussiennes persécutées par le regime de Loukachenko. « Les licornes bélarussiennes et les entreprises [du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC)] déménagent à Vilnius. Nous offrons aux structures chassées par M. Loukachenko un cadre pour qu’elles puissent poursuivre leurs activités commerciales en toute sécurité », a-t-elle mis en avant. « En même temps, j’espère que les gens pourront bientôt rentrer chez eux, dès que les choses s’amélioreront au Belarus. »

Les délégués ont par ailleurs entendu divers points de vue lituaniens concernant la sécurité énergétique, notamment les grands défis que pose la politique du gaz russe pour la souveraineté énergétique de la Lituanie et sa sécurité nationale. S’adressant aux membres du centre d’excellence de l’OTAN pour la sécurité énergétique situé à Vilnius, Vaidotas Urbelis, directeur politique au ministère lituanien de la défense nationale, a expliqué que la Lituanie adoptait une approche gouvernementale globale, prenant nécessairement en compte les préoccupations énergétiques. 

Le 9 novembre, la délégation s’est rendue à la frontière entre la Lituanie et le Bélarus pour recueillir davantage d’informations sur les menaces hybrides du régime Loukachenko dans la région. Les membres ont fait le point sur les mesures prises par les garde-frontières lituaniens afin de contrer les violations frontalières et de fournir l’aide humanitaire nécessaire pour les migrants déjà en Lituanie. Par ailleurs, ils ont également visité Rukla afin de rencontrer les agents lituaniens et les représentants du groupement tactique de la présence avancée renforcée (EfP) de l’OTAN qui y est déployé. Grâce à ces forces robustes et multinationales, l’OTAN renvoie un signal précis et crédible : l’Alliance est déterminée à dissuader les agresseurs et à décourager les agressions. Dans ce cadre, les efforts nécessaires pour améliorer l’interopérabilité des Alliés ont également fait l’objet de discussions. 

Pour cette visite en Lituanie qui s’est déroulée les 8 et 9 novembre derniers, la délégation était constituée de législateurs de 13 États membres de l’OTAN et était menée par John Spellar (Royaume-Uni), président de la sous-commission sur la transition et le développement à l’AP-OTAN et Lord Hamilton of Epsom (Royaume-Uni), président de la sous-commission sur les relations transatlantiques. Il est à noter que la commission de l’économie et de la sécurité de l’Assemblée a adopté un rapport consacré à la situation au Bélarus au cours de la session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, qui s’est tenue à Lisbonne en octobre dernier.


Photos disponibles avec l'aimable autorisation du Seimas de la République de Lituanie

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