Le renforcement de la présence militaire russe et la crise au Bélarus au centre des préoccupations stratégiques de la Pologne

14 avril 2021

La vidéo de la réunion est disponible au bas du communiqué de presse


Du point de vue de la Pologne, la Russie représente toujours à ce jour la menace la plus sérieuse pour l’Alliance euro-atlantique : Moscou renforce en effet ses capacités militaires à la porte de l’OTAN et l’enclave de Kaliningrad reste l’endroit le plus lourdement militarisé d’Europe.  

La Russie s’appuie sur les technologies de rupture (dont les nouveaux missiles hypersoniques), les capacités de perturbation des lignes de communication maritimes et les moyens de déni d’accès et d’interdiction, a indiqué Pawel Jablonski, vice-ministre polonais des affaires étrangères, aux membres de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) lors d’une série d’entretiens en ligne avec des responsables et experts polonais les 12 et 13 avril derniers.  

Quelque 22 parlementaires de 12 pays de l’OTAN, membres de la sous-commission de l’Assemblée sur les partenariats de l'OTAN (PCNP) et de la sous-commission sur la transition et le développement (ESCTD), ont pris part à ces entretiens qui étaient coprésidés par le président de la PCNP – Karl A. Lamers (Allemagne) – et celui de l’ESCTD – John Spellar (Royaume-Uni). L’organisation était assurée par Michal Szczerba, chef adjoint de la délégation polonaise. 

Selon M. Jablonski, la communauté transatlantique devrait être très préoccupée par le renforcement de la présence militaire à Kaliningrad et par les manœuvres de grande ampleur qui auront lieu en 2021 sur le territoire bélarussien, à savoir l’exercice « Zapad » qui drainera une multitude de soldats russes à la proximité des frontières orientales de l’OTAN.  

L’intervenant a également estimé que le renforcement de la présence militaire russe à la frontière Est de l’Ukraine était extrêmement préoccupant. La crise qui couve présente des similitudes avec la situation qui prévalait juste avant l’invasion de la Crimée.  

M. Jablonski a appelé les gouvernements des membres de l’OTAN à exercer une forte pression sur la Russie et à la soumettre à des sanctions plus importantes afin de lui faire payer ses actions et de lui démontrer que les Alliés opposent un front uni et partagent le même objectif face à ses provocations.  

D’autres personnalités politiques et experts polonais ont souligné l’urgence du défi militaire et politique que représente la Russie. Ils ont salué les décisions prises par les Alliés de renforcer substantiellement leur présence sur le flanc Est, notamment grâce à l’initiative pour la disponibilité opérationnelle de l’OTAN – baptisée les « quatre 30 » –, qui vise à disposer de 30 bâtiments de combat, 30 bataillons mécanisés et 30 escadrons aériens prêts à être déployés dans un délai de 30 jours. Les orateurs ont toutefois exhorté les planificateurs de l’Alliance à travailler sur des scénarios concernant cette période de 30 jours. 

Les interlocuteurs polonais ont par ailleurs lancé un appel aux dirigeants des pays de l’Alliance afin qu’ils mettent à exécution un certain nombre des recommandations clés prises dans le cadre du processus de réflexion à l’horizon 2030, notamment en ce qui concerne le renforcement de la dimension politique de l’OTAN, l’institutionnalisation des relations avec l’UE et la lutte contre les défis qui se posent à l’OTAN en tant qu’organisation unie par des valeurs démocratiques communes. 

M. Jablonski a averti que les gouvernements des pays de l’OTAN devaient améliorer leur résilience sur le plan à la fois sociétal et militaire s’ils veulent lutter plus efficacement contre les menaces purement militaires, mais aussi hybrides et de cyber-désinformation. « Nous avons besoin d’une dissuasion politique efficace qui complète la dissuasion militaire et la rende plus crédible, aussi bien aux yeux de nos adversaires que de nos propres opinions publiques », a-t-il indiqué. « Ce type d’instrument peut être développé en étroite collaboration avec nos partenaires partageant les mêmes valeurs, en particulier l’UE. » 

Les interlocuteurs polonais ont souligné que la Russie allait continuer à essayer de déstabiliser les démocraties occidentales, notamment en finançant des partis politiques et en s’ingérant dans les processus électoraux. Ils ont préconisé une intensification des échanges de bonnes pratiques entre les pays au regard de la protection des infrastructures électorales, ainsi que la transparence du financement des campagnes politiques. Ils ont également suggéré que l’Assemblée parlementaire de l’OTAN joue un rôle plus proactif pour protéger l’intégrité du processus électoral dans les pays de l’Alliance et au-delà. 

Les parlementaires se sont ensuite intéressés de près à la situation au Bélarus. Les experts polonais et bélarussiens ont noté que la mobilisation sociale et politique pacifique de la population suite à l’élection présidentielle d’août 2020 avait eu pour effet de transformer l’identité du pays. D’une certaine manière, la révolte des citoyens contre le régime et la corruption généralisée qu’il a suscitée a forgé une identité nationale forte qui est devenue aujourd’hui l’un des éléments de la crise.  

Comme l’a fait remarquer un expert, le discrédit de Loukachenko auprès des citoyens a atteint un point de non-retour. Il n’est pas possible pour lui de retrouver le type d’autorité dont il aurait besoin pour gouverner normalement. Il a aujourd’hui recours à la suspension de l’État de droit et exerce une répression extrêmement brutale, ce qui ne fait cependant que l’enfoncer un peu plus, lui et son gouvernement. De son côté, la population bélarussienne a un seul objectif : construire un pays régénéré, démocratique et attaché aux valeurs de l’État de droit. Les interlocuteurs ont précisé que le mouvement de protestation du peuple bélarussien n’était pas géopolitique et ne devait pas être perçu comme un choix entre la Russie et l’Occident. 

Les experts ont prévenu que la Russie tentait d’exploiter la position de faiblesse de Loukachenko pour faire avancer son projet d’union entre les deux pays, dont le but est d’affaiblir la souveraineté et les institutions du Bélarus. Ils ont indiqué aux délégués de l’Assemblée que des sanctions devaient être imposées à la Russie pour lui faire savoir que son projet était inacceptable. De simples pourparlers avec le président Poutine seraient voués à l’échec. Des signaux forts doivent être envoyés, mais il faut pour cela que la communauté internationale soit unie et ferme.  

Michal Szczerba (Pologne), qui est aussi le rapporteur de l’ESCTD, a rédigé un rapport sur la situation au Bélarus, qui sera présenté lors de la session de printemps de l’AP-OTAN, qui se tiendra en ligne en mai 2021.  

Enfin, les parlementaires de l’Assemblée ont abordé la question de la situation économique de la Pologne dans le contexte de la pandémie. Maciej Witucki, président de Lewiatan (l’organisation du patronat), a indiqué que l’économie polonaise était relativement résiliente et que le gouvernement était ouvert à des consultations étroites avec le secteur des entreprises. Le pays a pris des mesures modérées et pragmatiques sur des sujets délicats comme la relocalisation de certaines portions des chaînes de production ou la réglementation des réseaux 5G. L’approche adoptée par la Pologne est un compromis entre les considérations de sécurité nationale et les intérêts des consommateurs, a déclaré M. Witucki en ajoutant que la pandémie avait conforté le pays dans sa volonté de mettre en place une économie plus verte et davantage tournée vers le numérique. 


DAY 1 - Monday 12 April 2021
(Panel on Belarus was held under Chatham House rule)

DAY 2 - Tuesday 13 April 2021
(Panel on Russia was held under Chatham House rule)

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